Il y a dix ans ce 4 mai 2022, le décès de Rashidi Yekini à seulement 48 ans a plongé le Nigeria dans le deuil.

Sunday Oliseh a été le premier à saluer la mémoire de "l'un des plus grands joueurs du continent africain à avoir jamais foulé une pelouse", un éloge largement justifié par les faits d'armes de son ancien coéquipier des Super Eagles.

Surnommé le "père des buts" du Nigeria, Yekini reste, de loin, le plus prolifique artificier de la sélection avec une moisson de 37 buts en 58 sélections. Acteur phare de la première qualification nigériane pour la Coupe du Monde et du deuxième sacre continental des siens, Yekini est en outre entré dans l'histoire pour avoir été le premier Nigérian à faire parler la poudre en phase finale.

Son but de renard des surfaces au Cotton Bowl de Dallas suivi de sa célébration emblématique ont marqué les esprits. Mais s'il a mis son équipe sur la voie d'une entame victorieuse face à la Bulgarie de Hristo Stoichkov, puis d'une accession au deuxième tour, la vue du buteur fébrilement accroché au filet et hurlant "C'est moi ! C'est moi !" suscite des sentiments mitigés.

Alors au sommet de son art, Yekini semblait appelé à connaître un avenir glorieux. "Nous n'avons pas encore vu le vrai Rashidi Yekini", avait affirmé son entraîneur Clemens Westerhof à l'issue de la victoire sur la Bulgarie. "Il ne va pas tarder à se montrer."

Joueur africain de l'année en titre, l'attaquant vedette du Nigeria avait trouvé la cage à huit reprises en sept matches de qualification. Deux mois avant la Coupe du Monde, il avait été élu meilleur joueur et meilleur buteur de la CAN remportée par les siens.

Tout aussi étincelant en club, Yekini affichait 21 unités à son compteur sous le maillot du promu portugais Vitoria Setubal. Il fut le premier joueur des Sadinos en un demi-siècle à terminer meilleur buteur du championnat lusitanien. Il était, selon les termes d'Oliseh, "la seule vraie star" de la classe nigériane 1994.

Armé d'une confiance absolue en lui, il se sentait invincible. "Mes buts viennent directement de Dieu", expliquait-il à l'époque. "C'est pourquoi je me moque des adversaires qui croient pouvoir m'empêcher de marquer."

Malgré la promesse de Westerhof, le vrai Yekini ne s'est pas manifesté dans les matches restants du Nigeria à États-Unis 1994. Après avoir manqué une occasion dans la prolongation du huitième de finale perdu face à une Italie réduite à dix, l'attaquant a accusé ses coéquipiers de ne pas lui passer le ballon et affirmé "avoir toujours été contre" leur entraîneur néerlandais.

Oliseh a révélé plus tard l'existence de dissensions entre Yekini et certains membres de la sélection, qu'il a décrits comme "maladivement jaloux" de la réussite sportive et financière du buteur.

"Rashidi ne comprenait pas la politique du vestiaire", a confirmé Segun Odegbami, ancien international et ami de Yekini. "Le rectangle vert était son univers. Sur la pelouse, il brillait comme le soleil à son zénith. Hors du terrain, il cessait quasiment d'exister. Il se retirait dans un monde à lui, un monde inaccessible et fermé à tous."

Yekini n'a plus marqué qu'une seule fois en sélection, lors d'un amical contre la Jamaïque près de quatre ans plus tard. Sa carrière en club est également partie en chute libre. Par la suite, un retour au pays a échoué. De plus en plus amer face à ce qu'il percevait comme un désamour des fans nigérians et aux promesses non tenues de la Fédération, le joueur déjà reclus s'est encore plus enfoncé dans l'isolement.

Mais si son déclin et sa mort aussi triste que mystérieuse ont ajouté un dernier chapitre tragique au destin de Yekini, sa place dans l'histoire du football nigérian est assurée de longue date.

"Rashidi alliait la rapidité et la puissance de frappe à une formidable détente et au sang-froid devant le but. C'était un homme très attachant quand on apprenait à le connaître et à le comprendre." Sunday Oliseh, ancien coéquipier en sélection

"Yekini était un immense joueur. C'était l'un des plus grands attaquants nigérians. Ça a été un privilège de jouer avec lui." Finidi George, qui a servi la passe du célèbre but contre la Bulgarie

"Yekini était un homme qui savait ce qu'il voulait et ce qu'il voulait faire pour son pays. Il était toujours prêt à tout risquer pour l'équipe et la nation." Thompson Oliha, ancien coéquipier en sélection

"Mon entraîneur en club s'est un jour plaint à la presse que mes déplacements en sélection étaient trop fréquents et qu'ils contrariaient ses plans. Je lui ai dit que personne, je répète personne, ne pouvait m'empêcher de jouer pour ma patrie. Mes compatriotes m'aiment, pas seulement parce que je marque des buts, mais parce que je suis leur fils. Même si le Nigeria organisait un match contre des fourmis et des cafards, j'irais si j'étais convoqué." Rashidi Yekini