Castellanos, une jambe en or et un mental de fer

Si c’était un objet, elle aurait déjà sa place dans un musée. Mais la jambe droite de Deyna Castellanos est bien vivante, et toujours bien accrochée au reste du corps de celle qui, du haut de ses 17 ans et 170 centimètres, est en train de devenir une idole au Venezuela.

Cette jambe, qui a déjà offert tant de buts aux différentes sélections de jeunes du pays, vient de frapper encore deux fois pour offrir à la Vinotinto sa première victoire en Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA, Jordanie 2016. "Je ne sais pas si elle vaut de l’or ou autre chose, je sais qu’elle vaut tout le bonheur que nous connaissons aujourd’hui", rigole l’intéressée au micro de FIFA.com quelques minutes après avoir inscrit le but victorieux contre le Cameroun pour la deuxième journée du Groupe B. "Elle nous a offert la victoire, ce qui était le plus important, et toute la joie qu’elle nous a procurée. Et ça, ça n’a pas de prix."

Si vous n’avez pas encore vu les deux réalisations vénézuéliennes, précipitez-vous sur la vidéo des meilleurs moments du match. Mais avant, asseyez-vous, c’est plus prudent… Ça y est ? Vous êtes revenu ? La puissance du coup franc de l’ouverture du score vaut déjà le coup d’œil. Et admettez que lorsque vous avez vu le Cameroun égaliser à la 93ème minute sur une talonnade magique d’Alexandra Takounda, vous étiez sûr d’avoir vu le meilleur moment du match. Mais avouez-le, la frappe depuis le milieu de terrain de Castellanos sur le coup d’envoi, qui finit sous la barre, vous ne vous y attendiez pas !

L'exploit banalisé Deyna, elle, avait déjà tout vu. "Sincèrement, je n’ai pas tiré en me disant ‘on essaye et on verra’", assure-t-elle en tenant précieusement le diplôme de Joueuse Live Your Goals du match. "Je l’ai visualisé avant, et j’ai vu que la gardienne était avancée. Nohelis Coronel est entrée et elle m’a dit : ‘Tu veux le ballon à quel endroit ?’. Je lui ai montré, et elle l’a mis où il fallait. Dès que j’ai vu le ballon partir dans cette direction, je savais qu’il allait rentrer."

L’instinct de Castellanos n’est donc pas la seule explication de ce moment de grâce. Le flair de son sélectionneur en est un autre. Autrement, comment expliquer que Kenneth Zsemereta fasse entrer sa dernière remplaçante Nohelis Coronel sur le coup d’envoi ? Enfin, il y a un autre ingrédient beaucoup plus tangible. "L’expérience acquise toutes ces années avec la sélection nationale aide beaucoup dans ces situations et donne le courage de réaliser ce type de choses", estime l’attaquante, qui fait déjà partie de la sélection A. "Ça ressemble à un miracle, mais c’est aussi le résultat du travail."

"Un but tel que celui-là, on n’en marque qu’une fois dans sa vie", vous dirait n’importe quel joueur après un tel exploit. Mais Castellanos n’est pas n’importe qui, et envoyer le ballon sous la barre depuis le rond central est presque devenu une habitude. "Quand j’étais petite,  je mettais souvent des buts comme celui-là. Et récemment aussi avec le Venezuela et mon équipe aux Etats-Unis, ça m’est arrivé aussi", confie la buteuse de l’Université de Florida State. "Ce but, ce n’est pas simplement de la chance", confirme son entraîneur. "C’est un geste qu’elle travaille et qu’elle répète régulièrement."

Le meilleur est à venir Mais de là à le faire en Coupe du Monde, à la 94ème minute, quand votre adversaire vient d’égaliser et que le ciel semble vous tomber sur la tête, il y a sans doute quelque chose de plus que la répétition. "La partie n’est pas terminée tant que l’arbitre n’a pas sifflé les trois coups. On ne les a pas entendus après le but, alors on s’est dit : ‘Pourquoi pas ? On va le faire.’", révèle celle qui est devenue la meilleure buteuse de l'histoire du tournoi avec huit réalisations, à égalité avec la Sud-Coréenne Yeo Minji et a voisine du Nord Ri Un-Sim

Résultat, une victoire inespérée et un but déjà candidat au but du tournoi, voire au Prix Puskas de la FIFA récompensant la plus belle réalisation de l’année. "Ce n’est pas le plus beau de ma carrière", tempère pourtant la lauréate du Soulier d’Or adidas de l’édition 2014 au Costa Rica. "Mais c’est peut-être le plus important", admet-elle, avant de revenir immédiatement sur ses propos. "En fait, non. Le plus beau et le plus important, c’est celui que je marquerai en finale…"

Voilà qui ferait encore monter la valeur de cette jambe droite magique. Mais dans un musée, le trophée de la Coupe du Monde aurait davantage sa place que cette jambe qui marquera sans doute encore de nombreux buts.