jeudi 14 juillet 2016, 15:08

Les bras de fer gagnés par Pizzi

Juan Antonio Pizzi était conscient du défi qui l'attendait au moment de prendre en charge la sélection du Chili. Son prédécesseur Jorge Sampaoli avait placé la barre très haut en offrant au pays le premier titre de son histoire, la Copa América 2015, dotant au passage la Roja d'un style et d'un cachet distinctifs.

Le Chili de Sampaoli se distinguait par la pression qu'il exerçait sur l'adversaire, par son dynamisme, sa verticalité, mais également par la conviction des joueurs de pouvoir rivaliser avec n'importe qui. Cette génération dorée a appris à côtoyer le succès.

Ensuite, tous les regards ont commencé à scruter Pizzi ; les regards des dirigeants et ceux d'un public toujours plus exigeant. En plus de ne pas faire caler la Ferrari, Pizzi avait comme mission de continuer à la faire gagner. Sept mois après avoir accepté le défi, il est parvenu à le relever de la plus belle des façons en offrant au Chili la Copa América Centenario.

"Nous savions que les exigences étaient énormes car le seul moyen d'égaler ce qu'avait fait Sampaoli, c'était de gagner le titre", avait déclaré le sélectionneur après avoir battu son Argentine natale aux tirs au but en finale. "Il était beaucoup plus probable que nous ne réussissions pas à atteindre cet objectif. Nous avons réussi à former un groupe qui a su se surpasser et susciter l'admiration. J'espère que nous pourrons encore progresser."

Les bases d'un processus La route vers le succès n'a pas été sans obstacles. Pour beaucoup, peu importe si Pizzi avait gagné un titre au Chili avec l'Universidad Católica en 2010, ou un autre avec San Lorenzo en Argentine. Ses passages aboutis sur le banc de Valence en Espagne ou celui de León au Mexique n'avaient pas non plus réussi à dissiper les doutes.

Lors de sa présentation à la presse, il avait tenu à marquer son terrain. "Mes prédécesseurs à ce poste ont façonné une équipe qui prend l'initiative, et nous allons continuer ainsi. Mais dans cette structure, nous allons imprimer notre cachet et notre empreinte", déclarait-il devant les journalistes le 5 février dernier.

Une empreinte influencée par l'école barcelonaise. S'il a suivi des cours d'entraîneur aux côtés de Pep Guardiola et Luis Enrique en Espagne, il a également été coéquipier des deux hommes pendant les trois saisons où il a défendu les couleurs du Barça. "Je suis très heureux qu'il ait accepté un défi si important. Les choses se passent bien quand les personnes sont bonnes", avait commenté Guardiola. "Il est plus que capable de diriger la sélection chilienne. Son idée du football est de vouloir le ballon et de marquer son emprise sur le match. C'est un bon choix", avait complété Luis Enrique.

Premier pas Moins radical que Sampaoli, Pizzi s'est toujours montré disposé à négocier le schéma tiré de cette philosophie, même s'il ne l'a fait que durant la Copa América. Avant cela, il n'en avait pas eu le temps en raison d'une double journée dans les qualifications sud-américaines pour la Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™.

Sans Charles Aránguiz, Jorge Valdivia et Eduardo Vargas, l'entrée en matière face à l'Argentine à Santiago, s'annonçait difficile. Au cours des 20 premières minutes, Pizzi perdait sur blessures son duo de milieux de terrain composé de Marcelo Díaz et de Felipe Gutiérrez, auteur de l'ouverture du score. Ses poulains ne parvenaient pas à conserver le résultat et s'inclinaient au final 1:2. Les premières critiques commençaient alors à fuser.

Le retour de Vidal et le choix de Mauricio Pinilla comme avant-centre, avec Alexis Sánchez sur le côté, s’avéraient payants pour la sortie suivante du Chili, qui se soldait par une victoire 4:1 contre le Venezuela. "Il nous manque encore beaucoup de choses pour pouvoir atteindre notre objectif", déclarait toutefois Pizzi après cette rencontre.

Son cachet commenca à se faire sentir avec la publication de la liste chilienne pour la compétition continentale aux États-Unis. Il inclut des joueurs performants avec leurs clubs respectifs, mais peu connus sur la scène internationale, à l'image de Edson Puch, Nicolás Castillo, Enzo Roco ou encore Erick Pulgar. À vrai dire, aucun d'entre eux n'avait participé à Chili 2015.

Autre surprise : l'inclusion du très polyvalent José Pedro Fuenzalida, que Pizzi utilisera comme latéral, milieu de terrain et ailier. Fuenzalida, qui n'avait pas joué la moindre minute lors de la Copa América 2015, transformera lui aussi les doutes en éloges.

Malgré ce renouvellement de l'effectif, les défaites en matches de préparation contre la Jamaïque et le Mexique suscitaient énormément de questions, mais Pizzi ne changeait rien à sa formule. Pour leur première sortie dans la Copa América Centenario, les Chiliens semblaient amorphes et s'inclinaient 1:2 face à l'Argentine. Le banc de Pizzi commençait à prendre des airs de siège éjectable.

La griffe de l'entraîneur Pizzi réagit en clamant haut et fort qu'il renouvelle sa confiance au gardien et capitaine Claudio Bravo, peu à son aise face à l'Argentine. Pari gagnant : Bravo sera déterminant en demi-finale contre la Colombie et en finale face à l'Argentine.

Sur le plan tactique, il a fait preuve de flexibilité. Il n'hésita pas à revenir à un 4-3-3 plus classique contre la Bolivie, remisant au placard pour cette deuxième journée de la phase de groupes son 4-2-3-1 initial et habituel, avec lequel il renouera toutefois en finale pour sevrer de ballons un certain… Lionel Messi. Pendant le tournoi, il essaiera même un 3-4-1-2 équilibré.

Pizzi sait également ne pas s'entêter. Quand la réalité lui montre que Sánchez est plus efficace sur le côté qu'au centre, il adapte son système. "À un moment donné, nous allons trouver des solutions offensives", affirmait-il avant le match contre le Panama. Avec Vargas en 9 épaulé par Alexis et Fuenzalida comme ailiers, Vidal jouait libéré et le Chili déroulait, battant facilement le Panama, avant d'humilier le Mexique, avec Puch comme ailier droit. En demi-finale, le Chili surmontait l'obstacle colombien.

En finale contre l'Argentine, le carton rouge précoce de Díaz ne perturbait pas le technicien, qui repositionna ses pièces sur l'échiquier sans procéder au moindre remplacement. Fidèle à son idée, il a réussit à priver l'adversaire du ballon grâce à une circulation sur la largeur et à rendre transparent Messi, le tout sans renoncer à attaquer. La série de tirs au but qui en résultera est plus le signe d'une parité entre les deux équipes que d'un manque d'ambition de la part du Chili.

Après le sacre continental, Pizzi a évité tout triomphalisme. "Je suis heureux. Les choses que j'ai obtenues dans ma vie ont toujours demandé beaucoup de sacrifices, aussi bien comme joueur que comme entraîneur. J'ai eu, et je crois que je continuerai d'avoir, beaucoup plus de désillusions que de joies, mais quand il m'arrive de gagner, j'essaye de le savourer au maximum. Nous promettons de continuer à travailler", annonça-t-il en guise de conclusion avant les prochaines échéances.