samedi 01 octobre 2016, 07:02

Claque m’en cinq, Lorena !

Situé en sous-sol d’un hôtel d’Amman, le bar est plutôt calme. Seules quelques tables sont occupées, l’ambiance est feutrée, les lumières tamisées. Il est 20h45 en Europe, une heure de plus en Jordanie. Les télévisions du bar s’allument et l’hymne de la Ligue des champions de l’UEFA retentit. C’est le moment choisi par toutes les joueuses de l’Espagne pour envahir l’endroit, se précipiter sur les chaises libres et se plonger dans l’affiche de la journée : Atlético de Madrid - Bayern Munich.

Lorena Navarro ne le sait pas encore, mais le bonheur est sur le point de la submerger. Son club favori bat son adversaire allemand 1:0, et deux jours plus tard, elle mène presque à elle seule l’Espagne à la victoire pour son entrée en lice en Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA 2016. "C’est de loin la plus belle semaine de football de ma vie", reconnaît-elle au micro de FIFA.com dans les couloirs du Stade International d’Amman, où elle vient d’inscrire cinq buts contre le pays hôte. "On a vu le match de l’Atlético toutes ensemble et on a célébré le but de manière incroyable. Et aujourd’hui, c’est à mon tour d’en marquer cinq. Ça me rend très heureuse."

Vous avez bien lu. Sur les six buts passés par la Rojita aux pauvres Jordaniennes, cinq l’ont été par Navarro. Mais cette manita individuelle n’est pas la principale raison de la joie de la buteuse. "C’est le meilleur match de ma vie, avant tout parce que c’est une Coupe du Monde. C’est mon premier match dans un Mondial et je marque cinq buts !", s’étonne-t-elle presque en entendant les mots sortir de sa bouche, et en tenant fermement le ballon du match. "C’est un sentiment incroyable, mais espérons qu’on qu’il y aura d’autres victoires et qu’on pourra faire encore mieux."

Mieux qu’un quintuplé pour un premier match de Coupe du Monde ? Difficile à imaginer, à part peut-être en rêve. Et encore… "Mon rêve d’hier, c’était d’abord de gagner", assure la joueuse du CD Tacon. "Si je  pouvais aussi mettre un but, pourquoi pas. Mais on voulait juste gagner notre premier match. Finalement, c’est allé encore mieux." Tellement mieux qu’elle intègre par ce coup d’éclat un cercle fermé de cinq quintuples buteurs en tournoi FIFA, dont les légendes féminines Michelle Akers et Christine Sinclair.

De l’autre côté de l’écran Du haut de ses 16 ans, qu’elle fêtera en novembre prochain, l’Espagnole a prouvé pour sa première sortie mondiale qu’elle avait déjà un point commun avec l’Américaine et la Canadienne.  "Je crois qu’on peut le travailler beaucoup, mais au final, l’instinct de buteur, c’est sûrement quelque chose avec lequel on nait", estime Navarro, qui l’a prouvé en ouvrant le score de la tête alors qu’avec son mètre 59, elle était la plus petite des 11 titulaires ibériques.

Son sens du but, Lorena l’a cultivé depuis ses premiers pas balle au pied à trois ans à peine. "Mon frère jouait au football, et j’allais le voir régulièrement, et un jour je me suis mise moi aussi à jouer avec le ballon. Aujourd’hui, je crois que c’est moi la meilleure de la famille...", confie en souriant celle qui espère pouvoir transformer un jour sa passion en profession.  "C’est vrai qu’en Espagne, c’est encore un peu difficile de vivre du football, mais les choses sont en train de changer petit à petit", juge l’admiratrice de Veronica Boquete, Lionel Messi et Sergio Agüero. "J’espère qu’un jour j’arriverai à en vivre. Et si ça pouvait être en Espagne, ce serait encore mieux. "

Au rythme de cinq buts par match, un avenir professionnel semble assuré. Et lorsque les télévisions des bars d’Amman et d’ailleurs diffuseront les matches des grandes compétitions, Lorena sera sûrement passée de l’autre côté de l’écran.