Le 10 octobre 2014 à Naypyidaw, au Myanmar, le Qatar est mené depuis la cinquième minute du match d'ouverture du Championnat U-19 de l'AFC et ne parvient pas à trouver la faille dans la défense de la RDP Corée. Alors que l’horloge indique la 75ème minute, un long ballon atterrit dans la course d’Ahmed Al-Saadi, qui tente immédiatement sa chance. Son tir heurte la main d’un défenseur coréen et provoque un penalty. L’égalisation qui s’en suit va galvaniser les jeunes Qatariens. Au cours des dix minutes suivantes, Almoez Ali et Akram Afif font mouche à deux reprises et inversent le cours du match pour initier une série de quatre victoires consécutives. Dans la foulée, le Qatar s'impose face au pays hôte dans le dernier carré, avant de prendre à nouveau le meilleur sur la RDP Corée en finale. Les protégés de Sanchez soulèvent le trophée pour la première fois de leur histoire.

À l’époque, personne ne soupçonne l’ampleur du projet mis en place par les dirigeants qatariens. Cinq ans plus tard, le 1er février 2019, Ali et Afif inscrivent de nouveau leurs noms au tableau d’affiche, cette fois à l’occasion d'un match autrement plus important. Les hommes de Felix Sanchez sortent vainqueurs (3-1) du Japon, et le Qatar s’adjuge le premier titre de champion d’Asie de son histoire. Avant cette soirée historique à Abou Dabi, les Al-Annabi (les "Marron") n’avaient jamais dépassé les quarts de finale de l’épreuve continentale. Ce succès est d’autant plus impressionnant que l’équipe composée par Sanchez compte dans ses rangs huit des 22 joueurs qui ont brillé au Myanmar cinq ans plus tôt, au premier rang desquels, les deux héros du jour. Cette part aurait pu être encore plus importante si Abdullah Al-Ahrak et Ahmed Moin ne s’étaient pas blessés avant le début du tournoi.

Avant de prendre en main les destinées du Qatar, Sanchez n’avait jamais exercé les fonctions de sélectionneur. Le Catalan a fait ses gammes d’entraîneur à La Masia, l'académie du FC Barcelone, à l’âge de 21 ans. En 2006, une décennie plus tard, les dirigeants qatariens lui proposent de rejoindre leur nouveau projet, baptisé Aspire Academy. Six des huit champions d’Asie qui ont également remporté le tournoi en 2014 sont passés par cette institution. Cette expérience leur a permis d’acquérir tous les secrets d’un bon professionnel, avec un objectif clair en ligne de mire : permettre au Qatar de conquérir de nouveaux sommets lors de la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022™. Le long chemin qui les a menés du Myanmar aux Émirats Arabes Unis est passé par Leon, au nord-est de l’Espagne, Eupen, en Wallonie, ou encore Linz, en Autriche. Tous les pensionnaires ont confronté les enseignements de l’académie aux rigueurs du football européen.

Le groupe victorieux en 2014 a bénéficié de l’expérience de ces expatriés. Trop âgé pour participer à la Coupe d’Asie U-19 au Myanmar, Abdelkarim Hassan s’est depuis imposé comme un titulaire et affiche plus de 120 sélections à 28 ans seulement. Son passage à Eupen lui a énormément appris et il est aujourd'hui l’un des meilleurs arrières gauches du continent, un statut renforcé par la conquête du titre de Joueur asiatique de l’année en 2018. Les exploits de Sanchez et de ses joueurs ne se limitent toutefois pas à l’Asie. Le Qatar a pris part à la Copa America 2019. Il s’est également hissé en demi-finale de la Gold Cup de la CONCACAF avant de s’incliner dans les dernières minutes face aux États-Unis. Le tirage au sort final de la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022™ a placé dicté le destin du Qatar, qui affrontera l’Équateur en match d'ouverture, avant de défier le Sénégal et les Pays-Bas. L’objectif de Sanchez, arrivé au Qatar en 1996, est de montrer au reste du monde l’étendue du chemin parcouru.