samedi 28 janvier 2017, 12:43

Cuper, architecte de la forteresse des Pharaons

En 2010, l'Égypte célébrait son troisième triomphe consécutif en Coupe d'Afrique des Nations de la CAF. À l'époque, les supporters s'enorgueillissaient de l'esprit offensif qui caractérisait l'équipe entraînée par Hassan Shehata. Les années de vaches maigres qui s'en sont suivies ont cependant incité les amoureux des Pharaons à revoir leurs ambitions à la baisse… jusqu'à l'arrivée aux commandes d'Hector Cuper. Au fil des mois, le technicien a réussi à sortir l'équipe nationale de l'ornière, sans toutefois retrouver la verve offensive indissociable du règne de Shehata.

En fait, le nouvel homme fort du football égyptien s'est surtout attaché à renforcer une défense souvent poreuse, ignorant les appels à miser sur un football technique et spectaculaire pour compenser un handicap physique par rapport à la plupart de leurs rivaux continentaux.

Cette équipe d'Égypte n'est peut-être pas la plus éblouissante, mais les chiffres montrent que le sélectionneur est en train de gagner son pari. Sous sa direction, les Pharaons ont validé leur billet pour la phase finale de la Coupe d'Afrique des Nations pour la première fois depuis 2010. Le nul vierge concédé au Mali en ouverture du Groupe D n'a cependant pas fait que des heureux. De nombreux fans égyptiens ont, en effet, vu dans ce résultat une occasion manquée de prendre un départ victorieux, reprochant à Cuper une stratégie jugée trop défensive.

Mais l'ancien entraîneur de Valence et de l'Inter Milan n'est pas homme à se laisser influencer de la sorte. Sa prudence a fini par payer lors de la deuxième journée, même si ses joueurs ont dû se montrer patients avant de prendre un avantage décisif sur l'Ouganda. Pour tardif qu'il soit, le but inscrit à une minute du terme par le meneur de jeu Abdallah El-Said n'en a pas moins constitué un grand pas vers les quarts de finale.

Face au Ghana, Mohamed Salah a ouvert le score sur un coup franc limpide à la onzième minute de jeu. Par ailleurs, la défense égyptienne n'a que rarement été mise en danger. Les Pharaons sont donc la seule équipe encore en lice à n'avoir pas concédé le moindre but à l'issue de la phase de groupes.

"Le football ne se résume pas à attaquer", a rappelé Cuper après la victoire sur l'Ouganda. "Comme la défense, l'attaque se doit d'être bien organisée. Il ne suffit pas de faire monter tout le monde aux avant-postes n'importe comment. Chaque match doit avoir son plan et sa tactique."

Une défense imperméable Depuis l'arrivée du stratège argentin de 61 ans en mars 2015, l'Égypte n'a encaissé que sept buts en 21 matches. Elle s'est souvent imposée par la plus faible des marges. Auparavant, ses adversaires semblaient capables de percer sa défense à volonté, comme en témoignent les résultats calamiteux enregistrés au cours de l'année 2014 en qualifications pour la Coupe d'Afrique des Nations. Les doubles défaites concédées à la Tunisie et au Sénégal ont laissé des traces.

"Je comprends les supporters égyptiens qui aimeraient nous voir gagner tous nos matches sur de gros scores, mais mon objectif est de contrôler le jeu. Désormais, nous avons une identité. Nous avons une défense solide et nous travaillons pour améliorer notre attaque", avance-t-il.

Cuper s'est toujours illustré par son sens du détail. Il a donc choisi deux hommes pour protéger sa ligne de quatre défenseurs, Tarek Hamed et Mohamed Elneny. Ainsi, les deux défenseurs centraux ne sont que rarement pris de vitesse ou en défaut. S'il ne possède pas la vivacité de Ramadan Sobhi (Stoke) sur l'aile gauche, Mahmoud Trezeguet (qui doit son nom à l'ancien attaquant de l'équipe de France) lui est souvent préféré en raison de son abnégation et de sa disponibilité pour participer aux tâches défensives, en soutien de son latéral.

En outre, la puissance et la détente d'Ahmed Hegazy et d'Ali Gabr ont pour effet d'annihiler toute menace aérienne éventuellement posée par les attaquants adverses. "Nous suivons précisément les instructions du sélectionneur. Ça nous assure une bonne protection défensive. C'est la raison pour laquelle les défenseurs centraux livrent toujours d'excellentes performances", expliquait récemment Hegazy dans une interview télévisée.

La victoire (2:0) obtenue en novembre sur le Ghana en préliminaires de la Coupe du Monde de la FIFA™ illustre parfaitement cette philosophie. Depuis, plusieurs internationaux égyptiens, au premier rang desquels Salah (AS Rome), ont pris la défense de Cuper, rappelant qu'adopter une stratégie défensive n'était pas une "honte".

Pour son grand retour après sept ans d'absence, l'Égypte aimerait ajouter une huitième couronne continentale à son palmarès. Un succès lui ouvrirait également les portes de la Coupe des Confédérations de la FIFA, qui aura lieu dans quelques mois. Loin de s'en tenir là, Cuper souhaite également offrir au pays sa première qualification pour la Coupe du Monde depuis 1990.

Tout semble actuellement sourire à l'Égypte, en tête de son groupe dans la compétition préliminaire pour Russie 2018, malgré la présence du Ghana et de l'Ouganda. "Nous savons que Cuper n'a pas changé de stratégie en un an. Il veut une défense hermétique et espère marquer sur un contre ou un penalty", analysait l'ancien sélectionneur Shehata sur une chaîne de télévision égyptienne après le nul face au Mali. "Il ne faut pas attendre de l'Égypte qu'elle fasse le spectacle ou qu'elle monopolise le ballon. Ce n'est pas une critique ; c'est simplement le style et la philosophie du sélectionneur."