mardi 08 juin 2021, 10:00

Seger : "Je ne me contenterai pas de battre le record"

  • Caroline Seger s’apprête à battre le record de sélections du football européen

  • La capitaine suédoise prépare également son quatrième Tournoi Olympique

  • Elle évoque les temps forts de sa carrière et la victoire contre les USA en 2016

Caroline Seger s'apprête à disputer ses 214ème et 215ème matches internationaux, ce qui fera d’elle la détentrice du record de sélections non seulement en Suède mais aussi de tout le continent européen.

Le prestigieux record duquel elle s’approche est actuellement détenu par deux légendes du football féminin : Birgit Prinz et Therese Sjogran. Cette dernière a d’ailleurs servi de mentor à Seger dans l’entrejeu à ses débuts en sélection. Elle occupe aujourd’hui le poste de directrice sportive de son club, le FC Rosengard, et se trouve également être sa meilleure amie.

Malgré la gloire et la fierté liées à cette consécration, Seger voit plus loin. Les prochains Jeux Olympiques, ses quatrièmes, se profilent à l’horizon, de même que l’EURO féminin de l’UEFA. Et si le niveau de forme, la santé et la motivation sont toujours au rendez-vous, on pourrait bien retrouver Seger en chef de file de la Suède en 2023, pour ce qui serait sa cinquième Coupe du Monde Féminine de la FIFA ™ et sa 14ème grande compétition avec les Blågult.

Les sujets n’ont donc pas manqué lors de son entretien avec FIFA.com, où il a été question de records, de penalties et… de Ferrari.

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Caroline, lorsque vous avez fêté votre 200ème apparition en équipe de Suède par une victoire contre l’Angleterre lors du match pour le bronze à la Coupe du Monde, vos coéquipières vous ont dit : "Tu ne peux pas raccrocher maintenant. Tu dois rester pour les Jeux Olympiques". Lorsque ces derniers ont été reportés d’un an, avez-vous reconsidéré votre décision de poursuivre votre carrière ?

J’ai signé un contrat de trois ans avec Rosengard juste après la Coupe du Monde donc dans ma tête, ça m’engageait à jouer trois années supplémentaires. Je ne suis même pas sûre d’arrêter une fois que je serai arrivée au bout de mon contrat. Même lorsque les JO et l’EURO ont été reportés, je n’avais qu’une seule chose en tête : continuer à jouer en équipe nationale et aller jusqu’aux nouvelles échéances. J’avais aussi ce grand objectif, qui était de battre le record européen de sélections. Et puis surtout, le football reste ma passion et j’adore retrouver l’équipe nationale. Pour moi, c’est comme une deuxième famille. Le jour où le moment sera venu d’arrêter, je le sentirai ; ça, je l’ai toujours su. Mais pour l’instant, que ce soit physiquement ou mentalement, je n’ai pas la sensation que ce moment est arrivé.

Vous êtes tout près de battre ce record de sélections. Y pensez-vous depuis longtemps ?

La joueuse qui détient le record aujourd’hui est ma meilleure amie donc on plaisante souvent à ce sujet ! Mais honnêtement, ça ne fait pas très longtemps que j’y accorde de l’importance. Ça a été très fort pour moi d’atteindre la barre des 200 sélections. Et le plus important a toujours été d’être performante en compétition. Mais lorsqu’on s’approche d’un record, c’est clair qu’on a envie de le battre et de ne pas le laisser passer. C’est un sacré accomplissement et je veux voir mon nom au-dessus de celui de Therese en première place de la liste ! (rires) Ce sera sympa d’être en première place et je serai fière d’entrer dans l’histoire. Mais je ne me contenterai pas de battre le record. Il faut que je continue encore quelques années pour ajouter quelques sélections, histoire de rester un petit moment en place ! (rires)

Vous avez parlé de votre engagement sur trois ans supplémentaires à partir de France 2019. La prochaine Coupe du Monde tombe juste au-delà de cette période. Prévoyez-vous d’y participer également ou allez-vous laisser venir les choses ?

À ce stade de ma carrière, je dois prendre les choses comme elles viennent, ne pas brûler les étapes. Il faut que j’aie l’énergie et les capacités physiques nécessaires pour être à la hauteur en compétition. Aujourd’hui, c’est le cas et je n’ai pas envie d’annoncer ma retraite après les Jeux Olympiques ou l’EURO. Si mon corps tient le choc, si je me sens bien dans ma tête et si je garde cette passion pour le football, je peux encore jouer quelques années. Mais j’ai également conscience que ma carrière finira par s’arrêter un jour, même si ça me rend triste d’y penser.

Ne ressentez-vous jamais de baisse de motivation, même quand il faut faire une séance éprouvante dans le froid et le vent ?

Si je dois être parfaitement honnête, il arrive que ça coince de ce côté-là. Les choses changent au fil des ans et comme je joue au foot depuis longtemps, certains entraînements et certains matches ne sont pas des parties de plaisir. Mais globalement, je ressens encore une grande passion pour le football et j’ai très envie de rendre à ce sport ce qu’il m’a donné. Donc les jours où il y a du vent, où il pleut et où je me demande ce que je fais là, je trouve toujours des ressources pour avancer. C’est une question d’état d’esprit.

La Suède a récemment fait match nul 1-1 contre les États-Unis et elle est aussi la dernière équipe à avoir battu les championnes du monde dans une grande compétition, aux tirs au but lors des Jeux Olympiques 2016. Quelles sont les clés pour rivaliser avec cette équipe ?

Tout d’abord, il faut avoir deux choses essentielles dans le football : la qualité et le mental. Les États-Unis sont un pays de 360 millions d’habitants où l’équipe nationale est la grande priorité. Le championnat est articulé autour de l’équipe nationale alors qu’en Europe, c’est l’inverse. Comme la sélection américaine est au centre de tout, les internationales peuvent mieux s’entraîner et se préparer. Et puis si elles ont une blessée, elles ont 10 joueuses de grande qualité derrière. Pour la Suède et toutes les équipes opposées aux États-Unis à l’heure actuelle, il faut faire le match parfait. On ne peut pas se permettre la moindre erreur ou saute de concentration. C’est la meilleure équipe du monde et ce n’est pas pour rien. Mais les Américaines ne sont pas invincibles et on l’a montré à Rio, même si on a passé beaucoup de temps à défendre ! (rires)

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Lors de ce match, vous avez dû tirer votre penalty alors que la Suède était menée 3-2 aux tirs au but, après l’échec de Linda Sembrant. Vous étiez sous pression. Vous en souvenez-vous ?

Je garde un excellent souvenir de ce match. J’avais vraiment la sensation que les fans étaient de notre côté et puis il y avait une ambiance extraordinaire dans le stade. Concernant la séance de tirs au but, j’étais tellement concentrée que je crois n’avoir même pas réalisé que je tirais après un échec. En revanche, je me rappelle parfaitement le sentiment de liberté que j’ai ressenti après avoir marqué. Je me suis dit : "Au moins, j’aurai fait ma part". Notre équipe avait la conviction qu’elle était capable de gagner ce match. Lorsque l’occasion s’est présentée, on a eu la force de caractère nécessaire pour prendre ce match. C’est une sensation extraordinaire, surtout qu’on a gagné cette rencontre dans un stade exceptionnel, devant plein de monde.

Vous avez participé à de nombreuses compétitions avec la Suède, mais c’est à Rio que vous avez obtenu votre meilleur résultat en atteignant la finale. Considérez-vous ces JO comme le point d’orgue de votre carrière ?

En fait, ça a été encore mieux à la Coupe du Monde 2019. Aux JO, on a fait un très bon résultat, mais on a aussi passé beaucoup de temps à défendre. Je trouve que c’est en finale qu’on a fait notre meilleur match, même si on a perdu. Mais à la dernière Coupe du Monde, on a beaucoup mieux joué. Sur toutes mes années en équipe nationale, nous n’avons jamais aussi bien joué qu’en France. Ça a été extraordinaire et très satisfaisant pour moi de constater les progrès de cette équipe et l’évolution de son jeu.

Cette évolution s’est-elle poursuivie depuis France 2019 ? Doit-on s’attendre à voir la Suède présenter le même visage lors des prochaines compétitions, celui d’une équipe qui va de l’avant et tente d’imposer son jeu ?

Je l’espère, sincèrement. Si l’on joue de cette façon, avec cette qualité, c’est grâce à notre staff. Il a beaucoup travaillé pour faire évoluer le style de jeu traditionnel de la Suède. C’est en modifiant certains détails dans notre façon de nous entraîner que l’on a globalement progressé. Les joueuses n’ont vraiment eu aucun mal à s’adapter. J’espère qu’on va continuer sur cette voie. J’ai aussi la sensation que c’est une nécessité car c’est ce style de jeu qui permettra d’obtenir les meilleurs résultats à l’avenir.

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En club, vous avez fait une très belle saison en Ligue des champions avant de vous faire éliminer par le Bayern Munich en quart de finale. Est-il difficile pour des clubs comme Rosengard de rivaliser avec les grands d’Europe ?

C’est très difficile et c’est avant tout une question d’investissement. En Suède, nous n’avons pas de grands clubs masculins pour nous épauler, pour financer le développement des équipes féminines. Sur ce point-là, il n’y a pas grand-chose à faire. Mais on peut quand même apporter quelques améliorations. Je pense notamment au fait que nous n’avions pas encore commencé notre saison lorsque nous avons disputé notre quart de finale. La Suède doit étudier la possibilité de modifier le calendrier de son championnat afin de s’aligner avec le reste de l’Europe, pour être sur le même rythme que les autres et avoir davantage de chances contre ces très gros clubs.

Vous réjouissez-vous de voir ces grands clubs investir dans le football féminin, avec toutes les opportunités que cela suppose, d’autant que vous avez joué au PSG ?

Naturellement. J’aimerais avoir 15 ans aujourd’hui ! (rires) C’est précisément pour ça que je me bats depuis toutes ces années. Je me félicite que l’on accorde au football féminin le respect qu’il mérite et que nous avons conquis. Aujourd’hui, quand une jeune joueuse sort du lot et que je l’interroge sur ses rêves, elle me répond : "Peut-être Barcelone, ou Lyon, ou Manchester United". C’est génial car quand j’étais jeune, les États-Unis étaient la seule option envisageable pour faire carrière. Je suis ravie de l’évolution des choses. Et quand je vois Hanna Bennison ou une autre joueuse me doubler en Ferrari, je me dis que j’y suis un peu pour quelque chose ! (rires)

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