lundi 01 juin 2020, 15:00

Rueda : "Permettre au Chili de retrouver son statut"

  • Reinaldo Rueda entend aider le Chili à renouer avec la Coupe du Monde

  • Il a déjà atteint cet objectif avec le Honduras (2010) et l’Équateur (2014)

  • Il a décroché la quatrième place avec la Roja à la Copa América 2019

La campagne qualificative pour la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022™ du Chili aurait déjà dû être lancée. En mars, la Roja était censée entamer son parcours par un déplacement en Uruguay et la réception de la Colombie. Le football ayant été mis à l’arrêt par la pandémie de COVID-19, il va falloir patienter pour revoir l’équipe de Reinaldo Rueda à l’œuvre.

"J’espère que le football va bientôt revenir. On en a besoin", reconnaît l’entraîneur colombien. Malgré cette coupure forcée, le Profe et son staff ont mis cette période à profit pour planifier, échanger avec les internationaux pour s’enquérir de leur situation sportive et personnelle, participer à des discussions et des ateliers consacrés au football, et même renouer avec de vieux hobbies.

Elle a également donné à Rueda l’occasion de discuter avec FIFA.com au sujet de la nécessité pour le Chili de retrouver la Coupe du Monde après la douloureuse absence de Russie 2018, du renouvellement générationnel entamé par la Roja et de ses favoris pour la qualification à Qatar 2022. Passé maître dans l’art de ressusciter les équipes, Rueda se voit offrir un défi passionnant.

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Reinaldo Rueda, comment vivez-vous cette période sans football ?

C’est une nouvelle expérience de vie. J’avais l’habitude de passer beaucoup plus de temps avec l’encadrement technique au quotidien. On se réunissait au centre technique avec les différents départements, on travaillait sur la planification, on revoyait les supports de travail, on préparait les entraînements, on produisait les vidéos… Maintenant, on fait tout en ligne. Et puis il y a les formations, la lecture, l’exercice pour évacuer le stress, la participation aux tâches domestiques…

Profitez-vous de ce temps passé à la maison pour vous adonner à une activité pour laquelle vous n’avez pas de temps d’ordinaire ?

Je travaille mon anglais et je m'exerce aussi de temps en temps l’accordéon, pour lequel j’ai un faible depuis mon enfance, avec tout le folklore colombien autour du vallenato. Hélas, les voisins se sont plaints (rires). Maintenant, je prends mes précautions. Je ferme les fenêtres et les portes pour jouer quelques notes.

À quoi ressemble votre relation avec les joueurs ?

Les premières semaines, on a maintenu un contact très étroit, surtout avec ceux qui sont en Europe. On a pris des nouvelles de leur santé et on leur a souhaité le meilleur. Et ensuite, on a commencé à leur envoyer à tous des vidéos pour faire des piqûres de rappel sur le plan tactique et leur donner confiance. On leur a notamment rappelé les bons moments qu’ils ont vécus avec l’équipe nationale. Tout cela en restant à notre place car on est conscients que chaque club a ses propres méthodes de travail.

Nous devrions être en plein dans les qualifications. Comment votre équipe vit-elle ce coup d’arrêt ?

Ça a été très dur, car ça fait maintenant six ou sept mois qu’on n’a pratiquement aucun contact avec les joueurs. Et ici, au Chili, il n’y a pas eu de compétitions d’octobre à décembre. Les matches amicaux de novembre ont été annulés en raison des mouvements de protestation sociale. Maintenant, tout dépend de la date de reprise des championnats. Ça va être difficile de retrouver le rythme après une période d’inactivité aussi longue, même si les joueurs et les staffs techniques ont mis l’accent sur l’entretien physique. Et il va falloir travailler l’aspect psychologique pour être de nouveau compétitifs. On doit s’appuyer sur le travail réalisé par les clubs dans lesquels évoluent nos internationaux.

Craignez-vous que cet arrêt porte plus particulièrement préjudice aux membres de la fameuse "génération dorée", qui font désormais partie des vétérans ?

Ce n’est pas rien, mais ils sont très optimistes. De façon générale, le joueur chilien fait une longue carrière. Comme le vin, il se bonifie avec l’âge, il gagne en sérénité. Mais il ne faut pas se voiler la face et être conscient de l’usure propre à cette profession. Par exemple, six mois d’arrêt ne pèsent pas autant pour un jeune de 26 ans que pour un homme de 35-36 ans. L’impact est réel. Il faut simplement espérer que nos joueurs expérimentés puissent garder la santé et rester dans les plans de leurs clubs, en particulier ceux qui évoluent à l’étranger, où ils ont du mal à être titulaires.

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L’un des grands défis de votre projet consiste à entamer le renouvellement générationnel. Prévoyez-vous de faire souffler les Arturo Vidal, Gary Médel, Alexis Sanchez et consorts ?

Pour constituer une sélection bien équilibrée, on a autant besoin de la sagesse et de l’expérience des joueurs aguerris, que de l’énergie et l’enthousiasme des jeunes. C’est la voie à suivre, comme on l’a montré à la Copa América l’an dernier, qui a permis à des jeunes comme Paulo Díaz, Erick Pulgar ou encore Edgar Pasos de s’affirmer. Il faut attendre la reprise pour repérer les joueurs en forme et planifier les qualifications pour le Qatar avec ceux qui présenteront le meilleur niveau par rapport aux exigences d’une Coupe du Monde. C’est un peu risqué de parler de stratégie à ce stade, mais je ne m’interdis pas de lancer des jeunes, tout en m’appuyant sur la maturité et l’expérience des leaders. Nous devons laisser un héritage et semer les graines de l’avenir immédiat du football chilien.

En parlant de vétérans, Claudio Bravo a fait son retour avec la Roja l’an dernier. L’équipe modifie-t-elle sa façon de jouer avec un joueur de cette stature ?

Évidemment. Claudio Bravo exerce une influence impressionnante sur la sélection de par son parcours, sa compréhension du jeu… On a dû se passer de lui pendant un an sur blessure, une rupture du tendon d’Achille. Maintenant, on espère qu’il pourra continuer d’apporter toutes ses qualités et tout son talent. Si on peut compter sur lui, et on l’espère vraiment, il va jouer un rôle déterminant. Personne ne veut quitter la sélection et finalement, c’est là que tout va se jouer. J’espère qu’on le verra défendre nos cages au Qatar.

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Vous êtes passé maître dans l’art de faire retrouver la Coupe du Monde aux équipes que vous entraînez, comme le Honduras en 2010 et l’Équateur en 2014. Ce défi est-il particulièrement attractif avec le Chili ?

C’est un immense défi en raison de l’impact de la non-qualification à l’édition 2018 pour une génération qui avait offert beaucoup de satisfactions au pays. L’échec de 2018 a été un gros coup dur pour la société chilienne et nous essayons de panser cette plaie. La première étape a consisté à guérir les blessures psychologiques afin que les joueurs et les supporters se remettent à croire en ce football. Notre objectif, c’est de permettre au Chili de retrouver le statut qui était le sien ces dernières années. Les qualifications sud-américaines sont très relevées en raison de la densité de talent, de la complexité géographique et du niveau intrinsèque des équipes. Le niveau est très homogène. Ici, les scores du type 13-0, ça n’existe pas.

Vous risquez-vous à un pronostic sur les pays qui vont se qualifier pour le Qatar ?

Nous avons les indications fournies par la Copa América, même si je ne sais pas trop si on peut s’y fier car c’est une compétition plus courte. Par exemple, il y a de grandes nations comme l’Uruguay qui n’ont pas accédé au dernier carré. C’est très équilibré, mais en dehors de nous, j’ai beaucoup d’admiration pour l’excellent travail qu’est en train de réaliser l’Argentine. Sa liste des 23 pour la Copa América comportait 14 nouveaux joueurs avec un grand avenir devant eux, des garçons qui se sont installés au plus haut niveau et qui se sont affirmés dans les plus grands championnats. Sinon, il y a l’Uruguay, le Brésil et la Colombie. Ces quatre pays ont un gros vivier de joueurs et ils réalisent un très bon travail.