lundi 03 mai 2021, 23:07

Kike : "Un immense privilège de jouer la Coupe du Monde"

  • En ce 4 mai, l’Espagnol Kike Boned fête ses 43 ans

  • Champion du monde en 2000 et 2004, il est une légende du futsal

  • Avec FIFA.com, il évoque ses souvenirs et la prochaine Coupe du Monde

Dans le monde du futsal, Kike Boned fait partie des voix qui comptent. Double champion du monde, en 2000 et 2004, et finaliste des deux éditions suivantes, il a pris sa retraite il y a sept ans. Et pourtant, on a toujours autant de mal à se faire à son absence au sein de la Roja.

Le jour de ses 43 ans, FIFA.com s’est entretenu avec lui pour revenir sur ses succès sportifs, dresser un état des lieux du futsal et se projeter vers la Coupe du Monde de Futsal de la FIFA, Lituanie 2021™.

Kike, vous fêtez vos 43 ans. Si vous regardez dans le rétroviseur, que ressentez-vous en repensant à vos réussites sportives ?

De la fierté et le privilège d’avoir profité à fond d’un sport merveilleux qui m’a permis, avec mes clubs et la sélection, de vivre des moments inoubliables, au-delà des victoires et des défaites. Quand on raccroche, on se rend compte de la chance que l’on a eue et on réalise que rien n’est comparable à tout ce que l’on peut vivre dans une carrière de joueur.

Changeriez-vous certaines choses dans ces 20 ans ?

On se pose tous la question. Moi, je me fais toujours la même réflexion : je ne me vois pas me plaindre de quoi que ce soit dans mon parcours. Ma carrière sportive a été pleine, elle a été satisfaisante et enrichissante à tous points de vue. Bien sûr, j’aurais pu mieux réussir certaines choses et faire d’autres choix, mais ce serait injuste de changer quoi que ce soit car j’ai vécu quelque chose d’inoubliable.

Si vous ne deviez retenir qu’un seul moment de votre carrière ?

En prenant de l’âge, on fait passer l’aspect sportif au second plan et on accorde davantage d’importance au reste, à ce qui compte vraiment. Quand on m’interroge sur le pire moment, tout le monde pense à la défaite aux tirs au but en finale de la Coupe du Monde Brésil 2008 ou de Coupe d'Europe, mais non. C’est quand mon équipe a eu un accident de bus en 2005. Je n’étais pas du déplacement. Tu te lèves le matin et tu as 200 appels manqués… Tu te demandes ce qui arrive… Aujourd’hui, tout cela a pris le pas sur le côté sportif.

On en discutait l’autre jour avec Vinicius et on était d’accord : l’expérience humaine n’a pas de prix, indépendamment du résultat. On regardait une photo de nous deux avant la finale de la Coupe du Monde en Thaïlande, qu’il a eu la chance de gagner et que nous avons perdue. Le fait de vivre ce moment, d’être là, d’être choisi pour disputer cette finale et de savourer l’instant présent… C’est très difficile de retenir un moment, une seule chose de 20 ans de carrière… Ce serait injuste.

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Lors de la Coupe du Monde 2000, le premier titre de l’Espagne, face au Brésil qui plus est, a-t-il changé votre carrière ?

C’est le tournant du futsal espagnol. Pour nous qui étions là-bas, ç’a marqué un avant et un après dans notre carrière et dans notre vie. Ça a changé l’histoire du futsal en Espagne et dans le monde. On a montré que le Brésil n’était pas invincible, qu’un groupe de "dingues" se sentait capable de les battre. Et en plus, on l’a fait en finale de Coupe du Monde. À l’époque, c’était incroyable. Aujourd’hui encore, 20 ans plus tard, on le fête encore, on est des privilégiés. Ça a été l’un des matches les plus importants de ma carrière, si ce n’est le plus grand, pour son côté symbolique. Et pourtant, je n’avais même pas joué. J’étais un gamin, j’étais le plus jeune de l’équipe. Et malgré tout, je me sens privilégié d’avoir pu vivre ça devant des milliers de personnes.

Vous avez récidivé en 2004. Quelle saveur a eu ce titre ?

Dans un contexte très différent. C’était déjà un autre futsal. C’est vrai que nous avons profité du fait que le Brésil considérait encore la défaite de 2000 comme un accident. Et nous, en 2004, nous avons joué à fond la carte du collectif. Que ce soit en termes de profondeur d’effectif et de qualité individuelle, on savait qu’on était très loin, mais on a fait une démonstration d’esprit d’équipe et de soif de vaincre. Après, c’est vrai qu’il n’y a rien de tel que la première fois. On a bien savouré et c’était historique de conserver notre titre, mais les cinq qui étions à la Coupe du Monde précédente l’avons vécu différemment, tout en étant conscients de la dimension de l’exploit.

Les équipes sont plus proches les unes des autres aujourd'hui, est les collectifs ont-ils pris le pas sur les individualités ?

Il y a davantage d’outils et davantage de situations collectives. Beaucoup de progrès ont été accomplis sur le plan physique et tactique, et au niveau de la préparation. C’est devenu beaucoup plus dur de faire des différences. Même s’il y a encore des écarts et si les bons joueurs restent de bons joueurs, ça s’est nivelé. Quand on regarde une Coupe du Monde ou un Euro, c’est difficile de dégager un grand favori alors qu’autrefois, c’était toujours le même nom qui ressortait.

Ce nivellement a-t-il également affecté l’Espagne, qui a aujourd’hui du mal à s’imposer au niveau européen ?

En partie. Quand les adversaires sont plus faibles, on a davantage de chances de gagner, c’est indéniable. Cela dit, quand on est compétiteur, les progrès dépendent essentiellement des gens que l’on a en face de soi. L’Espagne fait partie des nations qui marquent le pas ces dernières années, elle a perdu contre le Portugal à l’Euro 2018 et à la Coupe du Monde 2016, elle a été sortie en quarts par la Russie. Ça oblige à travailler pour progresser, à être exigeant et à ne jamais se satisfaire de ce que l’on a. Les progrès de nos adversaires sont le moteur qui alimente les nôtres. Nous, c’est le Brésil qui nous a rendus meilleurs. Il nous a forcés à nous surpasser collectivement et tous les joueurs qui sont venus chez nous nous ont rendus meilleurs. Les Brésiliens aussi ont été obligés de suivre cette dynamique car on les a poussés dans leurs retranchements. Leurs défaites s’expliquent par leur erreur de jugement, le fait qu’ils n’ont pas su comprendre le profil de l’équipe qu’ils affrontaient à cette époque.

Qu’apprend-on en disputant une Coupe du Monde ?

On apprend à apprécier. J’ai eu la chance d’en faire quatre et c’est un immense privilège. Dans le quotidien d’une Coupe du Monde, on mesure l’importance du groupe, de l’empathie au sein d’un groupe, qui est fondamentale. On apprend à placer l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel. On réalise que le moindre petit détail peut faire la différence.

Comment allez-vous suivre le rendez-vous lituanien ?

Je vais vivre l’événement différemment, en espérant que l’Espagne décroche cette troisième étoile… Ce serait une bonne chose pour tout le monde. Un titre donnerait un coup de fouet au futsal au niveau national, comme pour nous en 2000 ou l’Argentine à la dernière Coupe du Monde. Je vais suivre ça à distance, en souffrant avec la sélection espagnole et en essayant de profiter de la qualité du jeu proposé. Ç’a m’a beaucoup étonné de souffrir autant en tant que spectateur alors que je vivais très bien tout ça en tant qu’acteur.

Qu’attendez-vous de l’Espagne ?

L’Espagne a toujours ses chances dans une compétition comme ça. Elle possède une génération de jeunes joueurs qui vont beaucoup faire parler d’eux à l’avenir. Le niveau est de plus en plus homogène et les candidats au titre sont plus nombreux, mais l’Espagne en fait partie. Le niveau de la Primera RFEF Futsal en Espagne ne baisse pas, ce qui nous donne un avantage sur les autres sur une Coupe du Monde.

Vous avez disputé quatre éditions de la Coupe du Monde. En quoi une Coupe du Monde transforme-t-elle son pays hôte, en l’occurrence la Lituanie ?

Lors des quatre éditions que j’ai eu la chance de vivre, je me suis rendu compte que le déroulement d’une Coupe du Monde n’a rien à voir d’un pays à l’autre. Ce que l’on a vécu au Guatemala en 2000, c’était de la folie, la fièvre à l'état pur. En Chine, ç’était différent. Et que dire quand le pays hôte est le Brésil… Aujourd’hui, le futsal arrive en Lituanie, un pays de petite taille mais qui a une grosse tradition du sport indoor. Donc j’espère que la compétition va laisser une trace et que les circonstances permettront que cette trace reste longtemps. Le pays et la fédération vont être à fond derrière la compétition. Ça va être une réussite.

Rafael Usin of Spain celebrates his goal during the Futsal Euro 2014 Quarter Final match between Slovenia and Spain

À suivre en Lituanie

Pito : "Rien que pour le voir, je paierais volontiers ma place pour assister à un match du Brésil. Il y a Ferrao, Gadeia, un tas de joueurs, mais Pito réunit toute la panoplie du joueur de futsal parfait. Il est honnête envers son sport et son équipe, droit dans son comportement, il possède des qualités techniques indiscutables et il fait plaisir au public. Et le tout, avec le sourire. Si j’étais lituanien et si j’avais l’occasion d’assister à un match, je me déplacerais pour Pito".

Fernan : "C’est un peu la même chose que Pito. Je suis certain qu’il va être retenu en équipe d’Espagne. C’est un garçon de 26 ans qui est dans la forme de sa vie. Je suis convaincu que ça vaudra le coup d’œil de le voir à l’œuvre à la Coupe du Monde".

L’Argentine : "Elle va encore faire valoir sa force collective. De par mon expérience, je peux dire que les autres auraient bien tort de dire que ce qu’ils ont fait en 2016 était un coup de chance. Derrière ce titre, il y a un travail énorme lancé par Diego Giustozzi et poursuivi par Matias Lucuix, dont nous allons voir les résultats en Lituanie".

La Russie : "Il y a une génération de jeunes joueurs russes extraordinaires. S’ils sont bien conscients de cette force, alors ils vont avoir de bonnes chances de réussir. La Russie fait partie des nombreuses nations qui montent, qui sont très compétitives et qui vont se battre".