vendredi 17 mars 2017, 13:23

L'Equateur uni dans la tragédie

Il est impossible de dissocier l'exploit grandiose de la sélection équatorienne de beach soccer qui, à Bahamas 2017, participera à la Coupe du Monde de Beach Soccer de la FIFA pour la première fois de son histoire, du tremblement de terre qui a frappé la province de Manabí le 16 avril 2016.

En effet, tous les membres de l'équipe d'Équateur sont originaires de cette région côtière qui a été touchée le plus fortement par le séisme. Toute la sélection réside et s'entraîne sous la houlette de José Palma dans la ville de Manta, à l'exception du gardien titulaire Carlos Saltos, qui vit à une demi-heure de là, à Portoviejo. Les éléments lui avaient déjà joué un mauvais tour quelques jours avant la catastrophe : la crue du Río Portoviejo avait inondé sa maison.

"Nous commencions tout juste à nous remettre de l'inondation quand le tremblement de terre a frappé", raconte Saltos à FIFA.com. "Tout s'est passé très rapidement. En moins d'une minute, la maison s'est effondrée, et j'ai perdu toutes les économies que j'avais réalisées grâce au football. Heureusement, il n'y a eu aucune victime, mais je savais que j'allais devoir recommencer à zéro."

La Roca, comme on surnomme le gardien de 30 ans et de 1 mètre 76, a évolué dans le football professionnel équatorien, en deuxième et troisième division, de 2005 à 2012. C'est alors qu'il a "vécu des choses qui lui ont donné envie de continuer".

En 2008, il profite de l'organisation d'un tournoi à Manta pour s'essayer au beach soccer. "J'ai proposé de jouer attaquant car j'avais déjà une expérience dans le football de plage à 8 et à 11, et comme le président du Manta FC n'y voyait aucun problème, je pouvais combiner les deux disciplines".

Mais 2012 est arrivé, et comme le sport est amateur, Salto a dû se démener pour étoffer ses revenus. Il parvient à joindre les deux bouts grâce à des prestations en sélection, quelques autres dans le football en salle et enfin un travail comme entraîneur des gardiens dans une école de football.

Le tremblement de terre a changé beaucoup plus que le paysage de la région. Au même titre que Salto, l'attaquant Stalin Moreira et l'autre gardien de l'équipe, Jorge León, ont perdu leur maison. "Nous avons tous eu des problèmes, au point de ne pas savoir si nous devions continuer en sélection. Mais nous nous sommes serré les coudes pour ne pas renoncer."

Unis dans la difficulté L'équipe reprend l'entraînement quasiment deux mois plus tard, et se promet une chose : "La qualification pour le Mondial. Nous avions terminé quatrième au cours des deux tournois qualificatifs précédents, et nous savons qu'il y a trois billets à prendre. Ça nous avait fait très mal en 2015, car la compétition préliminaire avait lieu à Manta et nous avons perdu le match pour la troisième place contre l'Argentine aux tirs au but".

Les joueurs équatoriens ont ainsi abordé le tournoi qualificatif au Paraguay "plus unis que jamais par la tragédie, mais également conscients que pour pas mal d'entre nous, ce serait sûrement la dernière opportunité".

À Asunción, après avoir terminé deuxième de son groupe derrière le Brésil et s'être incliné en demi-finales contre le Paraguay, l'Équateur a de nouveau rendez-vous avec l'Argentine dans le match pour la troisième place. Tout comme il y a deux ans, la confrontation se termine sur le score de 4:4 et se décide au penalty, cette fois en faveur des Équatoriens.

"Il est clair que nous avions tous à l'esprit le match de 2015. La troisième fois a été la bonne. Nous l'avons fait non seulement pour nous-mêmes, mais également pour les gens de Manabí." Dans la série de tirs au but, son ami León, spécialiste des penalties, a arrêté une tentative et les Argentins en ont manqué deux autres. "Je lui avais dit que c'est lui qui allait nous qualifier et c'est ce qui s'est passé."

Aux Bahamas, l'Équateur sera dans le Groupe A, au même titre que la Suisse, le Sénégal et le pays hôte. "L'objectif est d'emmagasiner de l'expérience, mais aussi d'être compétitifs. Nous sommes en train de travailler l'aspect défensif et la tactique pour commettre moins d'erreurs."

Saltos, qui vit aujourd'hui chez un proche à 10 minutes de l'endroit où se trouvait sa maison, combine la préparation pour le Mondial avec un commerce prospère de fromages dans lequel il est aidé par son épouse Angélica et ses trois enfants Laura, Estéfani et Junior.

Mais son souhait le plus cher est de développer le beach soccer dans son pays. "Nous espérons que cette qualification va permettre à la discipline de franchir un palier en Équateur. Beaucoup de jeunes se mettent au beach soccer. Maintenant, il s'agit de leur donner la motivation de persévérer. Personnellement, j'aimerais entraîner les gardiens et les jeunes, ou aider dans une école de football de plage."