mercredi 08 juillet 2020, 07:45

Un empereur, un penalty et un génie battu

"Que dit-il ? Il donne penalty ! Il - Donne - Penalty !" Ces mots, toute l'Allemagne les a entendus le 8 juillet 1990. Le journaliste Gerd Rubenbauer n'a pas pu contenir son excitation en voyant la Nationalmannschaft obtenir un penalty à la 85ème minute de la finale de la Coupe du Monde de la FIFA™ disputée à Rome contre l'Argentine. Ce triomphe a eu lieu 24 ans jour pour jour avant la lourde défaite 7-1 infligée au pays hôte par les Allemands en demi-finale de Brésil 2014.

Au duel dans la surface de réparation, Rudi Völler s'est effondré sous la pression de son adversaire. Sans hésiter, l'arbitre mexicain Edgardo Codesal Mendez a désigné le point de penalty, malgré les furieuses protestations des Argentins. "J'ai tout de suite su que j'allais le tirer", raconte le défenseur Andreas Brehme. "Nous avions trois tireurs désignés : Völler, mais la faute était sur lui et dans ce cas, il vaut mieux ne pas tirer soi-même, Lothar Matthäus, mais il ne se sentait pas bien, et moi. Alors j'y suis allé. Völler est venu et a dit : 'Si tu le marques, nous sommes champions du monde.' Merci pour la pression !"

Les paroles de l'attaquant se sont pourtant vérifiées. Sergio Goycochea avait fait ses preuves en huitième de finale contre le Brésil, lors de la séance de tirs au but contre la Yougoslavie en quart de finale ou face à l'Italie au tour précédent. Certes, il est parti du bon côté, mais la frappe à ras de terre était trop puissante pour qu'il puisse intervenir. "C'était de la folie. Nous avons fêté ce but comme aucun autre", se souvient encore le tireur héroïque. "À ce moment, nous savions tous que nous étions champions du monde. En une seconde, je me suis retrouvé entouré par six ou huit coéquipiers. Dans ces moments-là, on ne se rend pas vraiment compte de ce qui se passe."

Plus de passion

Evidemment, les Argentins conservent un souvenir assez différent de cette rencontre. "Aujourd'hui encore, ce souvenir me hante. Ce penalty m'a fait plus de mal que les cinq buts encaissés contre la Colombie en 1993, pendant les qualifications pour la Coupe du Monde", explique le portier argentin.

Quelques minutes plus tard, l'arbitre a donné le coup de sifflet final et un nouvel empereur régnait sur Rome : Franz Beckenbauer. Le Kaiser est devenu à cette occasion le deuxième homme après le Brésilien Mário Zagallo à remporter la Coupe du Monde en tant que joueur, en 1974, et sélectionneur, en 1990. On se souvient de lui déambulant seul sur la pelouse, les mains dans les poches et la médaille autour du cou. Plongé dans ses pensées, l'ancien libéro a réussi à faire abstraction des milliards de personnes dans le stade et devant leurs télévisions pour se retrouver seul face à lui-même. "C'était un adieu sans retour. Il n'y avait plus ce feu en moi, plus de passion", racontera Beckenbauer dans son autobiographie deux ans plus tard.

Quoi qu'il en soit, les Allemands tenaient leur revanche, quatre ans après leur échec en finale face à ce même adversaire. Le pays traversait alors une période importante de son histoire. En novembre, le mur de Berlin était tombé, ouvrant la voie de la réunification. Le titre suprême est venu couronner cette séquence extraordinaire, après les échecs en finale en 1982 et 1986.

Jusqu'à la 85ème minute, les spectateurs ont assisté à une rencontre indécise. Pour cause de suspension, les Argentins avaient dû se passer des services de quatre joueurs dont Claudio Caniggia, éblouissant depuis le début du tournoi et buteur décisif en huitième de finale face au Brésil. "C'est l'une des plus grandes frustrations de ma carrière. Je regrette vraiment de n'avoir jamais pu gagner une Coupe du Monde", assure le Fils du Vent.

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"Il est encore là ?"

Au cours de la rencontre, les Argentins ont encore perdu Pedro Monzón à la 65ème, et Gustavo Dezotti à la 87ème, tous deux exclus, et ont eu toutes les peines du monde à s'approcher du but allemand. Diego Maradona lui-même est souvent apparu peu inspiré, bien loin de l'étincelant meneur de jeu de Mexique 1986. Pendant 90 minutes, il a énormément souffert du marquage de Guido Buchwald, avant de s'effondrer en larmes à l'issue de la partie. "J'avais promis à ma fille Dalma de ramener la coupe à la maison", confie le Pibe de Oro, resté longtemps prostré dans le rond central tandis qu'en tribunes, les drapeaux de l'Allemagne s'agitaient fièrement.

"Au fil des minutes, je sentais à son attitude qu'il était de plus en plus résigné. À chaque fois qu'il me voyait, il semblait se dire : quoi, il est encore là, celui-là ?", se souvient son garde du coprs Buchwald. Au cours des années suivantes, le défenseur allemand a été surnommé Diego, en référence à sa performance face à l'un des meilleurs joueurs du monde.

Cette nuit magique marquait la troisième victoire allemande dans l'épreuve. Vingt-quatre ans plus tard, l'Albiceleste et la Nationalmannschaft étaient de retour en finale de Brésil 2014. Pour le même résultat...

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