jeudi 04 août 2016, 14:02

Olarticoechea de la discrétion à l'ambition

"J’ai envie de me présenter pour que vous me connaissiez un peu mieux et que vous découvriez mes convictions techniques." Julio Olarticoechea a attrapé le micro et c’est la première chose qui est passée par la tête de cet entraîneur désigné in extremis, il y a 28 jours, à la tête de l’Argentine. Pourtant, son CV n’est pas spécialement vide. Il fait même partie des plus beaux du pays, en tant que membre du cercle fermé des sept joueurs albicelestes à compter un titre mondial et une finale de Coupe du Monde à leur actif. Mais il est vrai qu’il s’est rarement distingué sur le banc de touche. Intronisé il y a un petit mois, il aura l’occasion de mettre en pratique ses idées dès le jeudi 4 août, lorsque l’Argentine entrera en lice face au Portugal dans le Tournoi Olympique Masculin, Rio 2016.

À 57 ans, le Vasco n’a rien d’un débutant. Il a dirigé des équipes de la troisième division argentine et il est employé par la fédération nationale depuis 2008. Mais fidèle à ses habitudes, il est toujours resté dans l’ombre. Il a d’abord servi en tant qu’adjoint dans des équipes de jeunes, puis il a pris les rênes de la sélection féminine. L’année 2016 a accéléré les choses. En février, il a accompagné une équipe nationale U-23 du troisième échelon national alors qu’il était encore sélectionneur féminin. À la mi-mai, il a été désigné à la tête de l’U-20. Et pour pallier la démission de Gerardo Martino du poste de sélectionneur national, consécutive à la défaite en finale de la Copa América Centenario, c’est lui qui a été choisi pour s’occuper de l’U-23, étant alors le seul entraîneur sous contrat dans toute la direction technique nationale.

Gâcher la fête "Il paraît qu’il faut savoir être au bon endroit au bon moment. Et bien me voici !", s’est-il félicité, avant de livrer son état d’esprit. "Je me sens super bien. J’ai toujours bien aimé les situations difficiles. On va tout donner pour ce maillot et on va prendre nos responsabilités. J’ai toute confiance en mon équipe". L’homme est tellement sûr de lui qu’après trois matches amicaux, il s’est même permis un pronostic osé en forme de vœu : "Ce serait si beau de gâcher la fête des Brésiliens…".

La passion qu’il affiche en conférence de presse est la même que sur le terrain. Il suffit de le voir courir derrière ses joueurs pendant les entraînements, en hurlant des consignes. On croirait volontiers qu’il fait partie du groupe, mais c’est lui qui donne les ordres. Il est convaincu que l’entraîneur doit apporter son aide "dans l’aspect mental" et il reconnaît son goût de l’attaque, lui "qui n’a jamais peur de perdre". S’il est convaincu de la force du groupe, il ne se bat jamais pour avoir le ballon mais il sait "qu’on ne peut pas gagner sans lui." "Je ne suis ni Bielsa ni Mourinho", reconnaît-il dans un demi-sourire, acceptant volontiers ses limites. Mais il est tout aussi prompt à dévoiler ses qualités : "Moi, mon point fort, c’est le rapport avec le groupe. Je suis crédible et ça me permet de toucher les joueurs."

La nuque de Dieu Cette capacité à mobiliser un groupe ne date pas d’hier. L’Argentine a subi une attaque de nostalgie collective au cours des derniers mois, lors des festivités autour du 30ème anniversaire du titre mondial conquis à Mexique 1986. Lors des émissions télévisées qui y ont été consacrées, on a pu découvrir les vidéos amateurs tournées pendant les mises au vert à Mexico. Devant la caméra VHS du latéral Néstor Clausen, c’est el Vasco qui a eu l’idée de jouer les journalistes et d’interviewer ses coéquipiers sur le ton de la plaisanterie, histoire de détendre l’ambiance. Dans le documentaire "1986. Les coulisses de la Coupe", l’attaquant Pedro Pasculli avait parlé d’Olarticoechea comme* *étant "le joueur le plus important du groupe".

Sur le terrain, il avait également eu des gestes mémorables, à commencer par un miraculeux coup de nuque sur la ligne de but lors du 2:2 contre l’Angleterre, à l’occasion du match le plus emblématique de l’histoire du football argentin. "C’est moi qui avait baptisé ce coup La nuque de dieu", avait plaisanté l’intéressé il y a quelque temps. Lors d’Italie 1990, c’est sur l’un de ses centres que Claudio Caniggia a pu inscrire le but de l’égalisation en demi-finale contre la Squadra Azzurra. Et pendant la séance de tirs au but, sa frappe écrasée a trouvé le fond des filets et contribué à la qualification pour la finale.

En 1994, Olarticoechea a pris sa retraite et rejoint son village de Saladillo, à 170 km de la capitale. "J’étais totalement saturé de football et je voulais que mes filles grandissent dans la tranquillité, comme moi". Il a retrouvé Buenos Aires et le ballon rond dix ans plus tard. "Ça me démangeait, j’ai retrouvé la passion. Et c’est aussi ça qui fait que je suis là aujourd’hui". Après un long chemin dans les coulisses de la direction technique nationale, le voici propulsé sur le devant de la scène alors que rien ne l’y prédestinait. Selon les statistiques, l’Argentine n’a jamais perdu en Coupe du Monde quand il était sur le terrain. Il espère permettre à l’Albiceleste d’étendre son invincibilité au Tournoi Olympique avec lui sur le banc.

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