lundi 19 octobre 2020, 02:10

Nagasato : "Je peux battre des hommes sur le terrain"

  • Yuki Nagasano a remporté la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2011™ avec le Japon

  • Elle a récemment rejoint Hayabusa Eleven, un club masculin

  • "J’aimerais que d’autres joueuses japonaises s’engagent sur le terrain social", confie-t-elle

Yuki Nagasato est une pionnière. Vainqueur de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2011™ avec le Japon, Nagasato a largement contribué au développement du football féminin, dans son pays bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis et en Australie, où son histoire et ses performances inspirent de nombreuses jeunes joueuses.

À 33 ans, elle vient de signer le transfert le plus sensationnel de sa carrière. Le 10 septembre 2020, Nagasato est entrée dans l’histoire en devenant la première femme à se produire dans un championnat professionnel masculin au Japon, sous les couleurs de Hayabusa Eleven, dans le cadre d'un prêt consenti par les Chicago Red Stars, son club en National Women’s Soccer League (NWSL) américaine.

L’ancienne championne du monde évolue donc désormais dans la même équipe que son grand frêre, Genki. FIFA.com a rencontré Yuki Nagasato pour évoquer ce transfert inédit, ses motivations et ses ambitions pour le football féminin japonais.

Yuki Nagasato, votre récent prêt au Japon a fait couler beaucoup d’encre. Comment jugez-vous l’attention soutenue dont vous faites désormais l’objet ?

Je ne pensais pas que l’idée de me voir jouer pour une équipe masculine rencontrerait un tel succès, mais je pense que c’est un message positif pour les jeunes filles et les femmes. C’est un défi pour moi de jouer dans ces conditions. Mais il était important de prouver aux autres femmes que c’était possible.

Sur le plan personnel, qu’avez-vous ressenti en jouant avec votre frère ?

Ça me semble naturel. C’est un coéquipier comme les autres. Ça faisait longtemps que nous n’avions plus passé autant de temps ensemble car j'ai longtemps vécu à l’étranger. J’ai découvert une nouvelle facette de sa personnalité. C’est l’occasion pour moi d’apprendre à le connaître encore mieux.

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Qu’est-ce qui a motivé votre décision, en dehors de la nécessité de jouer au football régulièrement ?

Le club veut intégrer la J-League, le championnat professionnel. Il lui faudra probablement encore quatre ou cinq ans pour y arriver, mais j’espère être la première femme à évoluer à ce niveau. En attendant, je pense pouvoir aider l’équipe à atteindre ses objectifs.

Comment s’est passé votre premier match à Hayabusa ?

Je me suis tout de suite sentie comme chez moi. Nous nous sommes facilement trouvés sur le terrain, surtout avec mon frère. Nous avons multiplié les échanges. Après ce premier test, je suis confiante pour la suite. J’ai le talent pour évoluer à ce niveau, j’en suis certaine.

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Quels sont vos objectifs avec Hayabusa ?

Sur le plan individuel, je veux continuer à progresser. C’est un défi intéressant pour moi car les hommes sont plus rapides, ce qui m’oblige à réfléchir encore plus vite. Je dois repousser mes limites. Je suis suffisamment vive pour battre des hommes sur le terrain.

Vous avez collectionné les succès en équipe nationale, dont la victoire en finale d’Allemagne 2011. Que retenez-vous de cette expérience et quels souvenirs vous viennent en premier à l’esprit ?

Je me souviens surtout que les médias japonais ne s’intéressaient pas du tout à cette compétition. Ils ne se sont réveillés qu’à partir des quarts de finale. C’était pourtant une compétition passionnante ! Personne n’imaginait que nous pouvions gagner la Coupe du Monde. Nous-mêmes, nous n’y pensions pas. Avec le recul, cette aventure a tout changé pour moi et pour le Japon.

Le football féminin japonais progresse à toute vitesse. Qu’éprouvez-vous à l’idée d’avoir largement contribué au développement du football féminin dans votre pays ?

Nous avons toujours eu l’ambition de nous qualifier pour la Coupe du Monde. Nous avions fini à la quatrième place des Jeux Olympiques 2008 et nous avons énormément appris. Ce résultat nous a aidées à prendre conscience de notre potentiel. Nous nous sommes alors fixé un nouvel objectif : gagner la Coupe du Monde 2011 ou les Jeux Olympiques 2012. Le sélectionneur Norio Sasaki nous a menées sur la voie du succès. Il a su instaurer un dialogue productif avec le groupe. Ensemble, nous avons vécu de grandes choses.

Qu’attendez-vous des prochaines années pour le football féminin au Japon ?

Nous allons lancer un championnat professionnel l’année prochaine. Pour que la discipline avance, il faut que cette compétition connaisse un certain succès au cours des cinq ou dix prochaines années. Ça fait un certain temps que l’équipe nationale n’a plus rien gagné et les gens commencent à se désintéresser du football féminin. Les médias ne parlent plus des Nadeshiko car notre palmarès est jugé trop modeste. Pourtant, l’équipe est jeune. Elle a besoin de temps pour atteindre le très haut niveau. J’espère que d’autres internationales vont revenir au Japon pour contribuer à l’essor du championnat et améliorer le niveau de la compétition. C’est indispensable. Nous devons faire en sorte que le championnat professionnel propose des matches de bon niveau. Par la suite, il sera nécessaire d'améliorer encore la qualité du spectacle proposé. En jouant avec et contre les meilleures, nos joueuses vont progresser.

Le développement passe-t-il également par des actions en dehors du terrain ?

J’espère également que d’autres Japonaises vont s’engager sur le terrain social. J’aimerais les voir prendre la parole et mettre leur notoriété au service du progrès. Les gens ont souvent peur de s’exprimer car ils craignent d’être rejetés lorsqu’ils parlent librement. J’ai pris ce risque, mais j’espère ne pas être la seule à le faire. Celles qui choisiront de prendre la parole doivent se sentir soutenues par toute une communauté. Pour ça, il faut trouver une voix collective. Si les réactions sont négatives malgré tout, j’espère qu’elles ne se laisseront pas décourager et qu’au contraire, elles en sortiront plus fortes.

Vous avez parlé de l’influence qu’a eue Megan Rapinoe sur votre parcours. Qu’apporte-t-elle au football féminin et au football en général ?

Elle m’a donné envie d’agir sur la société. Elle a eu un impact très positif sur le football pendant la dernière Coupe du Monde. Depuis, j’ai réfléchi à ce que je pourrais faire de mon côté. Je veux continuer à faire tomber les barrières en football et dans la vie. Pour moi, le talent et la compétence doivent passer avant le genre, l’origine ethnique, etc.

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