mercredi 24 août 2016, 09:13

McParland, de Pelé à Fontaine en passant par l'Irlande

La Coupe du Monde de la FIFA 1958™ est synonyme du record de Just Fontaine du plus grand nombre de buts marqués (13) dans une seule édition. C'est à cette occasion également que le monde a fait connaissance avec Pelé, qui a aidé le Brésil à décrocher le premier titre mondial de son histoire. C'est enfin l'histoire méconnue d'une Irlande du Nord qui n'a cessé de défier les pronostics.

Après s'être invitée en Coupe du Monde au détriment de géants comme l'Italie et le Portugal, devenant le plus petit pays à se qualifier pour le tournoi, l'Irlande du Nord a continué de surprendre lors de la phase finale. On n'attendait pas grand-chose des hommes dirigés par Peter Doherty. En phase de groupes, les Nord-Irlandais avaient été placés dans la même poule que la redoutable Tchécoslovaquie, l'Argentine et l'Allemagne de l'Ouest, championne du monde en titre. Malgré cela, l'Irlande du Nord allait atteindre les quarts de finale, où elle était attendue par la France de Just Fontaine, à 90 minutes d'un potentiel rendez-vous avec le Brésil de Garrincha.

Peter McParland a inscrit cinq buts dans le tournoi, terminant la compétition derrière les Souliers d'Argent Pelé et Helmut Rahn, et le Soulier d'Or Just Fontaine. Après avoir assisté récemment à une projection du film Spirit of '58, documentaire retraçant l'épopée nord-irlandaise en Coupe du Monde, FIFA.com s'est entretenu avec l'ancien joueur d'Aston Villa, qui revient entre autres sur cet étonnant parcours, sur l'émergence du jeune Pelé, et sur ses deux buts contre l'Allemagne.

Peter, pour la Coupe du Monde 1958, vous vous êtes qualifiés pour la Suède aux dépens du Portugal et de l'Italie, la seule fois où elle a manqué la Coupe du Monde. Quels souvenirs gardez-vous de cette campagne ? Avant cette Coupe du Monde, c'était le British Championship qui faisait office de tournoi qualificatif pour le Mondial. Ce n'était pas très bon pour le Pays de Galles ni pour nous, car en général l'Écosse et l'Angleterre gagnaient cette compétition préliminaire. Mais le format des éliminatoires a changé pour Suède 1958. Nous avions désormais la possibilité d'affronter d'autres équipes européennes. Au début, nous nous sommes dit : "Super, nous voulons aller en Coupe du Monde et là, nous avons une bonne chance". Nous avons vite déchanté quand nous avons appris que nos adversaires étaient le Portugal et l'Italie. Ça paraissait très compliqué. En fin de compte, nous avons affronté l'Italie dans une sorte de barrage pour une place en Suède. Nous avions beaucoup de joueurs d'expérience et nous avions le sentiment que nous pouvions gagner, ce que nous avons fait. C'est l'une des choses dont je suis le plus fier. À la moindre occasion, je dis aux gens que l'Irlande du Nord est la seule équipe à avoir empêché l'Italie de se qualifier pour une Coupe du Monde !

Que ressent-on quand on est membre de la première équipe d'Irlande du Nord à atteindre la Coupe du Monde ? Le fait d'affronter les 16 meilleures équipes du monde était une nouvelle expérience, une nouvelle aventure. Après avoir décroché la qualification, nous étions très impatients d'y être. Mais nous avons eu des problèmes car certains de nos matches étaient programmés le dimanche et à cette époque en Irlande du Nord, on ne jouait surtout pas au football ce jour-là. Nous avons commencé à recevoir des lettres de gens qui étaient contre le fait de jouer le jour du repos dominical. Certaines portaient les signatures de quelques-unes des personnalités politiques les plus influentes du pays. Mais aller à la Coupe du Monde était la chance de toute une vie. Tout le monde était d'accord là-dessus et il était hors de question d'abandonner.

Votre groupe était composé de la Tchécoslovaquie, l'Argentine et l'Allemagne de l'Ouest, vainqueur de la précédente Coupe du Monde. Cela semblait-il perdu d'avance ? Les Tchèques avaient de réelles possibilités de gagner cette Coupe du Monde et quatre ans plus tard, en 1962, ils ont atteint la finale avec les mêmes joueurs. Nous les avons battus, ce qui représentait une sacrée performance. L'Argentine faisait partie des favoris, mais à part le fait qu'ils étaient champions d'Amérique du Sud en titre, nous ne savions pas grand-chose d'eux. Par contre, nous connaissions bien les Allemands. Ils avaient des joueurs champions du monde en 1954. Nous avons fait match nul 2:2, j'ai marqué deux buts et j'ai frappé sur la transversale. Je suis passé à deux doigts de marquer un hat-trick contre les champions du monde en titre ! Réussir à sortir de ce groupe a été un vrai exploit pour un petit pays comme le nôtre.

La Coupe du Monde 1958 est également associée à Pelé, qui n'avait que 17 ans à l'époque. Que saviez-vous de lui lorsque vous êtes arrivés en Suède ? Nous n'avions pas entendu parler de Pelé avant le tournoi. Il est entré en jeu à la place de l'un des attaquants titulaires du Brésil, qui s'était blessé. Il a marqué dès son premier match et plusieurs fois encore après ça. C'est à cette Coupe du Monde qu'il a vraiment explosé. Malgré son très jeune âge, il a montré des choses fantastiques. Il a inscrit six buts en Suède, et moi cinq. Je peux donc dire qu'à la première Coupe du Monde de Pelé, j'ai terminé à seulement un but de lui. Quand nous avons appris que nous allions jouer la France en quart de finale, notre entraîneur Peter Doherty nous a dit : "Réglons vite fait les choses avec cette équipe et après, on pourra jouer contre ce cirque en demi-finale". Il appelait les Brésiliens "les garçons de cirque" car ils n'arrêtaient pas de jongler avec le ballon et faisaient des choses incroyables avec.

Vous avez terminé parmi les meilleurs buteurs de cette Coupe du Monde. Just Fontaine a été Soulier d'Or. Que retenez-vous de votre affrontement ? Avant ce quart de finale, Fontaine et moi étions à égalité en tête du classement des meilleurs buteurs, avec cinq buts chacun. Avant le tournoi, nous ne savions pas grand-chose de lui. Par contre, nous savions que cette équipe était brillante, avec de grands joueurs comme Raymond Kopa et Jean Vincent, et de très bons défenseurs également. Ce qui ne nous a pas aidés, c'est que les Français ont eu cinq jours de repos avant ce match, et nous seulement deux. Nous avons aussi parcouru de longues distances en bus et en train. Si nous avions pu le faire en avion, ça aurait changé pas mal de choses. Franchement, si nous avions pu nous reposer cinq jours, nous aurions eu une vraie chance contre les Français. C'est une analyse que pas mal de mes coéquipiers partageaient.

Cela fait 30 ans que l'Irlande du Nord ne s'est plus qualifiée pour une Coupe du Monde. Mais après sa performance à l'UEFA EURO 2016, peut-on être optimiste pour Russie 2018 ? L'Irlande du Nord a toutes les cartes en main pour être compétitive. C'est bien qu'elle ait réussi à se qualifier pour l'EURO 2016. En Suède, une cinquantaine de supporters nord-irlandais avaient fait le voyage. En France, les fans nord-irlandais ont été fantastiques. Ils n'ont jamais arrêté de pousser l'équipe. Nous avons posé une première pierre lors de cet EURO et il faut maintenant continuer le travail et essayer de se qualifier pour la Russie. L'Irlande du Nord est dans un groupe difficile mais en même temps, les garçons ont montré à l'EURO qu'ils pouvaient s'en sortir contre les grosses équipes. À eux de montrer leur vraie valeur.