mardi 03 mai 2016, 08:31

Le beau voyage d'une Lionne en cage

Toute personne qui a pratiqué le football dans son enfance se souvient de l'endroit où sa flamme pour le ballon rond s'est déclarée. Alex Scott, capitaine d'Arsenal, a attrapé le virus du football dans l'une de ces "cages à football", les mini-terrains entourés de grilles métalliques que l'on trouve dans les grandes villes du Royaume-Uni. "Dans la banlieue est de Londres, je passais tout mon temps dans une cage à football", raconte-t-elle à FIFA.com. "J'y allais tous les soirs après l'école pour jouer au foot avec les garçons. C'était mon échappatoire."

Ce souvenir d'enfance est le point de départ de la carrière d'une joueuse convoquée plus de 100 fois en équipe d'Angleterre. C'est aussi grâce à cela que l'Arsenal Foundation et l'association humanitaire Save the Children lui ont proposé de partager sa passion dans deux camps de réfugiés en Irak. Les deux organisations y ont financé et construit deux cages à football, d'une qualité bien supérieure à celle des terrains qu'a connus Scott dans son enfance. "Tout le monde autour de moi me disait de ne pas y aller", avoue-t-elle à propos de ce voyage. "Mais plus on me disait ça, plus je pensais en mon for intérieur : 'Si tout le monde adoptait ce genre d'attitude, alors personne ne se déplacerait pour aider ou apporter un peu d'espoir'. C'est précisément le fait que personne ne voulait y aller qui m'a poussée à le faire."

La défenseuse, qui neuf mois plus tôt recevait une médaille de bronze à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Canada 2015™, s'est ainsi retrouvée à conduire dans le paysage désolé d'une région bordant le Kurdistan du nord de l'Irak à quelques heures seulement de Bagdad. "Les circonstances tragiques sont le quotidien des gens là-bas et cela ne m'a pas laissée insensible", poursuit la joueuse de 31 ans en se souvenant de son arrivée au camp, composé d'une multitude de petites unités d'habitation dans lesquelles vivent environ 6 000 réfugiés qui ont fui les zones de combat. "Ça m'a complètement retournée. Vous lisez des articles à propos de ces choses-là, vous voyez des reportages à la télévision, mais il faut y être pour comprendre. Ce sont des gens ordinaires qui ont dû quitter leur maison à cause des circonstances. Certains sont dans ces camps depuis déjà deux ans et demi. Ces enfants n'ont pas perdu leurs espoirs ni leurs rêves. Certains veulent être docteurs, d'autres kinés, pour pouvoir aider les gens qui sont dans cette situation."

Un moyen d'émancipation Scott était convaincue que quelque chose d'aussi simple qu'un terrain artificiel de 500 mètres carrés pouvait faire une énorme différence. Les réactions lui ont donné raison. "Les gens peuvent se demander ce qu'un terrain de football va bien pouvoir changer. Je peux leur répondre : cela peut tout changer", affirme-t-elle. "Ces terrains ont rendu leur enfance à beaucoup de jeunes. Avant qu'ils soient construits, les enfants passaient leur temps assis à ne rien faire, à 11 dans un bungalow, jour et nuit. Le terrain de foot leur permet d'échapper un moment à leur effroyable condition. C'est là qu'ils jouent et en s'amusant, ils peuvent temporairement oublier leurs problèmes."

Scott et les bénévoles qui l'accompagnaient ont été accueillis par des visages radieux. Elle a même pris le temps de diriger un petit entraînement avec un groupe de joueuses, les filles disposant de créneaux horaires à elles pour utiliser le terrain. "Les gens me taquinaient en me disant que j'aurais pu courir un peu moins vite et les laisser gagner. Mais quand vous êtes une compétitrice, la nature revient au galop", dit-elle en rigolant. "En Irak, ça n'est pas dans la culture des filles de pratiquer un sport. C'est donc important qu'elles aient ce créneau horaire rien qu'à elles. Ça les encourage à se rassembler et à travailler les unes pour les autres. C'est un vrai moyen d'émancipation."

Ce voyage dans un Irak ravagé par la guerre et la découverte d'un football pratiqué dans les conditions les plus rudimentaires sont à des années-lumière de ce que Scott a connu neuf mois plus tôt au Canada, où elle a évolué devant des dizaines de milliers de spectateurs lors de la Coupe du Monde. "J'ai connu le football féminin à une époque où on avait le strict minimum. C'était deux entraînements par semaine, point. Quand on compare avec la situation actuelle, c'est une évolution absolument fantastique", explique-t-elle. "Pour moi, il est très important de toujours garder les pieds sur terre et de ne pas oublier d'où l'on vient", ajoute celle qui a remporté la Ligue des champions féminine de l'UEFA 2007.

D'où elle vient, Scott s'en souvient. Malgré trois Coupes du Monde Féminines de la FIFA au compteur, ses premiers pas balle au pied, elle les a faits dans une cage. Le meilleur exemple à suivre pour les jeunes Irakiens qui peuvent désormais débuter exactement dans les mêmes conditions.