samedi 16 juillet 2016, 14:15

Jennings-Gabarra, fine lame et triple tranchant

  • Rencontre avec l'Américaine Carin Jennings-Gabarra

  • L'ancienne attaquante est membre de l'illustre "épée à triple tranchant"

  • Elle a reçu le tout premier Ballon d'Or adidas d'une Coupe du Monde Féminine

"Ce qui m'a le plus marquée, c'est l'amitié qui unissait toutes les joueuses de l'équipe… Nous étions toutes là pour l'amour du jeu et pour nos coéquipières." Alors que FIFA.com continue de retracer l'extraordinaire histoire de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA™, l'Américaine Carin Jennings-Gabarra livre ses souvenirs de l'édition inaugurale en 1991 en RP Chine. Et plutôt que de revenir sur performances personnelles, l'ancienne attaquante américaine préfère donc souligner les vertus collectives des Stars and Stripes à l'époque.

Si cette humilité pourrait en surprendre plus d'un au regard du niveau affichée par la Californienne en Extrême-Orient, il suffit pourtant de se pencher sur la composition du groupe américain afin de comprendre pourquoi elle refuse de tirer la couverture à elle. Aux côtés de Michelle Akers, Kristine Lilly, Julie Foudy, April Heinrichs, Brandi Chastain, Carla Overbeck, Joy Fawcett ainsi que de la jeune Mia Hamm (19 ans), Jennings-Gabarra n'était en effet qu'une étoile parmi les étoiles.

Cela ne l'a pas empêché de briller un peu plus fort que les autres, au point de se voir décerner le tout premier Ballon d'Or adidas de meilleure joueuse du tournoi au terme de la finale, remportée 2-1 par son pays aux dépens de la Norvège. C'était il y a un quart de siècle, déjà. Jennings-Gabarra formait alors avec Akers et Heinrichs l'une des lignes d'attaque les plus redoutés et redoutables de l'histoire du football féminin. Auteur de 20 des 25 buts des États-Unis lors de cette Coupe du Monde Féminine, cet incroyable trio a même été surnommé "l'épée à triple tranchant" par la presse chinoise.

"Je crois que nous étions une des premières équipes à aligner trois attaquantes", se souvient Jennings-Gabarra. "Nous avions par conséquent un style de jeu différent et les autres équipes ne savaient pas comment s'adapter ou réagir parce qu'elles n'avaient encore jamais rien vu de tel." Même après toutes ces années, la buteuse n'a pas oublié ses deux compères, ni d'ailleurs les partenaires qui les alimentaient en ballons.

"Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui avait un esprit de compétition aussi poussé qu'April Heinrichs, sur et en dehors du terrain", révèle-t-elle. "Michelle Akers se jetait corps et âme dans tout ce qu'elle entreprenait. C'est une chance et un honneur d'avoir pu être associée à ces deux joueuses. Et puis notre milieu de terrain, notre défense ? Elles avaient toutes quelque chose en plus."

Le sens du but

Contre l'Allemagne en demi-finale, "l'épée à triple tranchant" s'est montrée particulièrement acérée, transperçant à cinq reprises les rangs adverses pour permettre aux Américaines de l'emporter sur le score fleuve de 5-2. Avant même la fin de la première mi-temps, Jennings-Gabarra avait déjà marqué trois buts. Sa deuxième réalisation est restée dans toutes les mémoires : après deux rapides touches de balles pour échapper à sa garde du corps, elle décochait aux 25 mètres une terrible frappe croisée qui allait se loger dans la lucarne opposée.

FIFA Women`s World Cup China PR 1991

"Tout le monde a ses forces et ses faiblesses", explique la joueuse. "J'aimais bien affronter l'Allemagne parce que leur style de jeu me correspondait plutôt pas mal. Ai-je jamais fait un bon match contre la Norvège, qui passait beaucoup par les airs ? Non. Je n'avais pas un très bon jeu de tête. Ce n'était pas un domaine où j'étais particulièrement forte. Mais quand le ballon restait au sol, je pouvais m'exprimer pleinement. J'aimais jouer contre les équipes qui posaient le jeu et ce jour-là, j'ai tout simplement eu la réussite avec moi".

De la réussite, il en fallait bien pour renverser de la sorte une Nationalmannschaft qui avait largement les faveurs des pronostics. "Face à l'Allemagne, nous étions toutes très motivées", raconte Jennings-Gabarra. "Elle était considérée comme la meilleure équipe du monde. Elle venait juste de gagner le Championnat d'Europe et tout le monde la voyait être sacrée en Chine."

"Ce qui a rendu cette demi-finale si spéciale pour moi, c'est aussi le fait que mon mari, Jim, qui était mon fiancé à l'époque, avait fait le déplacement. Il n'a assisté à aucun autre match, donc je suppose que sa présence m'a été bénéfique !"

Lors de chacune des trois Coupes du Monde Féminines qu'elles ont remportées, les Américaines se sont distinguées par une rage de vaincre hors du commun. Pour Jennings-Gabarra, cette soif de succès a toujours surpassé les récompenses individuelles accumulées au fil de sa carrière. "Il est chez moi, il me sert en quelque sorte de serre-livres", dit-elle au sujet de son Ballon d'Or. "J'apprécie ce trophée, mais j'apprécie encore plus notre victoire et l'aventure partagée avec le reste de l'équipe là-bas."

"C'était un monde différent, personne ne savait ce qu'était un Ballon d'Or ou un Soulier d'Or. Aucune d'entre nous ne jouait pour cela. Apparemment, on en parlait dans les journaux aux États-Unis, mais en Chine, nous n'étions pas au courant. Nous étions concentrées sur nos matches, sur ce qu'il fallait faire pour gagner, ensemble. Si j'ai eu ce Ballon d'Or, c'est grâce à toute l'équipe", conclut l'Américaine.