vendredi 12 juin 2020, 09:30

Harder et Eriksson : succès et fierté

  • Les joueuses Pernille Harder et Magda Eriksson sont en couple

  • La photo de leur baiser pendant France 2019 a fait le tour du monde

  • Harder nous explique pourquoi elle a choisi de devenir l’une des figures de proue du mouvement LGBTQ+

C'est un simple baiser, comme on en voit souvent dans les grandes compétitions internationales, quand les acteurs ou les actrices retrouvent leurs proches à l’issue du match. Pourtant, ce geste apparemment anodin a donné naissance à un mouvement d'ampleur. Pernille Harder en a pris conscience quelques heures plus tard, en voyant que son téléphone n’arrêtait plus de sonner. "Quand j’ai regardé, j’avais 3 000 abonnés supplémentaires sur Instagram", raconte-t-elle à FIFA.com.

L'internationale danoise de Wolfsburg n’est pas seule sur cette photo. On peut également y voir Magda Eriksson, membre de l’équipe de Suède qui venait de battre le Canada au Parc des Princes et de valider son billet pour les quarts de finale de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019™.

Anciennes coéquipières à Linkopings, les deux joueuses n’ont jamais caché leur relation amoureuse, sans pour autant chercher à mettre en avant leur couple ou leur sexualité. Mais ce cliché pris par hasard a convaincu les deux joueuses que le temps était venu pour elles d’endosser un nouveau rôle. "C’était complètement inattendu", poursuit Harder. "Pour commencer, je ne savais absolument pas qu'un photographe se trouvait là. Je n’avais donc aucune idée de l’existence de cette photo. En revanche, cette image a suscité des réactions fabuleuses. Nous avons reçu des commentaires aussi nombreux que sympathiques. Partout dans le monde, des gens nous laissaient des messages enthousiastes. La photo a suscité de nombreux débats, pratiquement sans aucune agressivité. C’était vraiment formidable."

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Face à ces réactions, Eriksson et Harder se sont rendu compte qu'elles n’étaient pas seulement des modèles sur le terrain, mais dans ce domaine aussi. "Nous n’avons pas cherché à nous défiler car nous avons la chance de nous sentir très à l’aise avec nos sentiments. Nous pouvons parler librement de notre relation.", assure Harder. "Si nous pouvons aider d’autres personnes à trouver leur voie et à se sentir en accord avec elles-mêmes, ça nous va parfaitement."

L'image de deux footballeuses affichant leur affection en toute décontraction a suscité des réactions très positives. "Beaucoup de gens m’ont écrit sur Instagram pour me dire à quel point ils nous admiraient et combien cette image les avait aidés", précise Eriksson. "C’est à ce moment que j’ai compris qu’ensemble, nous pouvions réaliser de grandes choses."

Via les réseaux sociaux, les deux jeunes femmes mettent depuis leur notoriété au service de "Play Proud", une campagne pour soutenir les jeunes personnes LGBT+. Harder a particulièrement apprécié l'idée de mettre l’accent sur l’éducation. "Il est sans doute plus difficile de faire bouger les lignes chez quelqu’un qui a déjà la vingtaine, surtout sur un sujet comme l’homosexualité. En revanche, les enfants l’acceptent plus facilement comme quelque chose de normal."

L’image de ce baiser a certes trouvé un écho favorable dans le grand public, mais les deux femmes doivent faire face à des défis spécifiques. Il leur faut d’abord gérer la distance qui les sépare. La première évolue en Allemagne, tandis que la seconde porte les couleurs de Chelsea, fraîchement couronné champion d’Angleterre. Elles ont également eu l’occasion de s’affronter sur le terrain. Buteuse lors de la demi-finale de la Ligue des champions féminine de l'UEFA 2018 entre Wolfsburg et Chelsea, Harder a connu moins de réussite dans la séance de tirs au but qui a scellé la qualification de la Suède pour France 2019, aux dépens du Danemark.

Alors, que ressent-on au moment de se mesurer à son conjoint ? "Franchement, ça ne m’a pas plu", répond la Danoise avec franchise. "Mais c’est parce que Magda est une défenseuse très coriace ! (rires) En réalité, dès le coup d’envoi est donné, on n’y pense plus vraiment. Pendant 90 minutes, nous n’étions plus un couple et je suis sûr qu’elle dirait la même chose. En tout cas, je n’ai pas eu l’impression qu’elle cherchait à me ménager."

"Ce n’est qu’après la rencontre que les choses deviennent un peu plus compliquées", admet Harder. "Nous avons eu l’occasion de nous croiser dans des matches importants, qui représentaient beaucoup pour nous. Heureusement, nous savons rester dignes dans la victoire comme dans la défaite. Quel que soit le résultat, nous sommes toujours là l’une pour l’autre. Il n’y a jamais eu de tensions à cause du football."

Il n'y en a pas eu non plus pendant plusieurs mois en raison de la pandémie de Covid-19. L’interdiction des déplacements a forcé les deux joueurs à passer des mois sans se voir, jusqu'à la semaine dernière. "Magda a passé quelques mois en Suède. Elle a dû attendre une décision de la Fédération anglaise de football avant de se rendre en Allemagne. Même avec la permission des dirigeants, elle a eu du mal à me rejoindre, à cause des restrictions. Quand elle est arrivée, elle a encore dû passer une semaine à l’isolement. Nos retrouvailles ont donc été plusieurs fois reportées", détaille Harder.

Il y a sans doute eu encore un baiser échangé à l'occasion, mais cette fois loin des caméras !

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