mardi 21 juillet 2020, 07:00

Bielsa, 65 ans de folie et de génie

  • Marcelo Bielsa fête aujourd'hui ses 65 ans

  • El Loco vient d’être promu en Premier League avec Leeds

  • "C'est le meilleur entraîneur du monde", selon Pep Guardiola

Marcelo Bielsa, qui fête ses 65 ans ce 21 juillet 2020, est un homme à part et un phénomène sur la planète football. L'entraîneur argentin a remporté la médaille d’or olympique en 2004 avec l’Albiceleste, et depuis la qualification pour la Coupe du Monde de la FIFA 2010™ , il est considéré comme une légende vivante au Chili, où il a mis une génération exceptionnelle sur les rangs du succès. Et que dire de sa popularité à Marseille où, en l'espace d'un an, il marqué à jamais le club et ses supporters par sa personnalité et son style de jeu ?

Malgré ce palmarès, l’idée de confier la difficile mission de ramener Leeds United parmi l’élite anglaise à un technicien étranger peu adepte de la langue de Shakespeare pouvait sembler risquée. Pourtant, les Whites ont retrouvé une Premier League qu’ils avaient quittée en 2004 grâce à El Loco, "le Fou".

"Pour moi, il est le meilleur entraîneur du monde."
Pep Guardiola, à propos de Bielsa

Parfois présenté lui-même comme le "meilleur entraîneur du monde", Pep Guardiola ne tarit pas d’éloges sur son collègue. Le manager de Manchester City n’a jamais fait mystère de son admiration pour le technicien argentin né à Rosario, comme César Luis Menotti et Lionel Messi. "J’adore Bielsa car il fait progresser ses joueurs. Je me moque de savoir combien de titres il a gagné dans sa carrière. On nous juge sur notre palmarès, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte vraiment, c’est l’influence qu’il a exercé sur le football et sur ses joueurs."

Pourquoi est-il surnommé "El Loco" ? Quelques anecdotes et éléments de réponse :

  • Un jour, Bielsa s’est présenté au domicile d’une famille. Il a frappé à la fenêtre et il a demandé à examiner les jambes d’un jeune garçon de 13 ans. "On dirait les jambes d'un excellent joueur", lâche le technicien, avant d’inviter le garçon à rejoindre son équipe. Le joueur en question s’appelait Mauricio Pochettino.

  • Alors que leur équipe venait d’être sacrée championne, les joueurs de Newell’s Old Boys ont veillé un peu tard pour assister à un mariage, alors qu'ils avaient l’autorisation de se coucher à une heure du matin. Lorsque les dirigeants ont refusé de sanctionner les fêtards, Bielsa a immédiatement démissionné. Aujourd'hui, le stade du club porte pourtant son nom.

  • Alors qu'il entraîne Leeds, Bielsa a fait observer en toute discrétion à un entraînement de Derby County, son futur adversaire. Pris la main dans le sac, l’Argentin s’est fendu d’une présentation Powerpoint de 70 minutes afin de prouver aux journalistes qu'il connaissait déjà cette équipe sur le bout des doigts… ce qui ne l’a pas empêché de régler l’amende de 200 000 livres.

  • À son arrivée à Leeds, il a demandé à ses joueurs de passer trois heures à ramasser des déchets autour du stade, afin qu’ils se fassent une idée du temps de travail que représente l'achat d'un billet pour la plupart des supporters.

  • Après une altercation sans conséquence avec un ouvrier du bâtiment, Bielsa, jugeant s’être mal comporté, est allé se dénoncer directement au commissariat. Son interlocuteur étant déjà passé à autre chose, les policiers se sont contentés de le ramener chez lui.

  • En avril 2019, Leeds a affronté Aston Villa dans un match décisif pour l’accession à la Premier League. Dans ce contexte tendu, les Whites ont ouvert le score alors qu’un adversaire était au sol, blessé. Mécontent, Bielsa a ordonné à ses hommes de laisser les Villans marquer à leur tour, sans opposition. La rencontre s’est achevée sur un score de parité (1-1). Leeds a ainsi vu s’envoler ses derniers espoirs de promotion directe, avant d’échouer en barrages. Le geste de Bielsa a reçu le Prix du Fair-play de la FIFA 2019 pour cette action d'une grande élégance.

Fou, génie, ou les deux ?

"Pour moi, il n’a rien d'un fou", estime Pochettino. "C’est un génie. C’est un individu doté d’un charisme et d’une personnalité sans commune mesure avec nous, les entraîneurs normaux. C’est pour ça qu'il semble si extraordinaire." À l'image de Pochettino, de nombreux entraîneurs et joueurs lui vouent une immense admiration, au point que certains, comme Javi Martinez, n’hésitent pas à affirmer "qu'il faut avoir travaillé au moins une fois dans sa vie avec lui" ?

Bielsa est avant tout un fin stratège, qui connaît son équipe et étudie son adversaire dans les moindres détails. Lors de ses premiers échanges avec les dirigeants de Leeds, il avait analysé en profondeur les 46 matches de la saison précédente et les adversaires des Peacoks n’avaient déjà plus de secrets pour lui. Les longues séances de vidéo sont un plaisir pour lui et il est capable de suivre simultanément deux matches différents.

L’entraîneur de Leeds ne s’arrête pas là : il pousse son analyse jusqu’au niveau microscopique. Il faut l’écouter parler des 29 formations différentes qui existent selon lui, des cinq façons de se débarrasser du marquage adverse ou des 36 méthodes pour permettre aux joueurs de communiquer entre eux avec le ballon...

"Avec lui, c'est tactique, tactique, tactique. Nous ne savions pas à quel point nous pouvions être bons."
Mateusz Klich, milieu de terrain de Leeds

Leçon tactique

Cette "communication", justement, s'exprime particulièrement dans ce que les médias appellent le "mur de Bielsa" ; il s’agit d'une ligne diagonale de trois joueurs. Celui qui se trouve au milieu "communique" par son appel qu'il faut libérer le ballon ; celui qui est en possession "communique" par la force de son geste que le destinataire n’est pas le joueur du milieu. Armé de ces informations, le troisième a pour mission de le transmettre au joueur du milieu, après une ou deux touches de balle. Ce mouvement pousse généralement les défenseurs à venir au pressing sur le destinataire de la passe, ce qui libère des espaces pour le joueur du milieu.

Joyeux Anniversaire, Marcelo Bielsa !